mardi 31 janvier 2012

MICHEL ROTH, SES DÉBUTS

Il est né au pays de mon père. Et j'ai bien connu le sien. Mais ma rencontre avec Michel Roth n'a eu lieu que sur le papier.
Retour en 1977.
  
Triomphe imminent


Michel Roth à "La Charrue d'Or", aux côtés de Charles Hermann, en 1977.


Dans un article du « Républicain Lorrain » de Sarreguemines, en 1977, mon confrère et ami Wolfgang Thielen souligne malicieusement que j’ai présenté avec succès une tourte du chef réalisée de mes mains à la « Poêle de Fer » des journalistes, cette année-là. Une manière de mêler mon chef-d’œuvre unique à l’immense talent de Michel Roth ! Carnaval est toujours un peu présent dans la vie sarregueminoise…

Plus sérieusement, Michel Roth a alors 18 ans. « Pendant que ses camarades se passionnent pour la moto, lui touille dans les casseroles. Pourquoi ?
» questionne Wolfgang Thielen :

- Parce que cela me plaît, répond Michel Roth

Réponse un peu courte quand on sait à quel point il peut se montrer inventif. Ses parents à Hambach, à l’étang Saint-Hubert, étaient restaurateurs. Élevé dans un tel milieu, on commence par regarder puis on met soi-même la main à la pâte. Alors qu’il accomplit sa formation, dès qu’il en a le temps, Michel  retourne au fourneau paternel et donne un coup de main pour les banquets, le décès du père, il y a deux ans, en 1975, a laissé un vide.
 
Michel Roth se montre, petit à petit, plus disert :

La cuisine n’est pas un métier, c’est un art. Si on ne s’y intéresse pas, ce n’est pas la peine de suivre cette voie.
 
La route est longue pour l’apprenti cuisinier qui veut devenir un maître queux. Il a commencé par choisir un bon maître : Charles Herrmann, le chef de « La Charrue d’Or », l’un des cinq diplômés du « Club Prosper Montagné » en Moselle.
 
Les débuts d’un apprenti cuisinier sont toujours les mêmes :

- J’ai épluché des pommes de terre et des carottes. On regarde faire les autres, on participe à la décoration des plats, on commence par donner un coup de main. Après 8 mois, on obtient la responsabilité d’un rayon : le garde-manger ou les desserts, par exemple. Puis, l’on s’occupe des potages, des poissons avant de passer aux grillades. Enfin, l’on arrive au plus difficile : les sauces.

Quatre ans pour faire ce chemin jalonné de leçons théoriques au CFA Fulrad. Le CAP est une première étape. Quelque 9 000 jeunes s’y présentent chaque année, 200 d’entre eux concouraient à Metz. 

«Michel s’est classé premier», écrit Wolfgang Thielen, observant qu’«à vrai dire, il ne pouvait pas lui arriver autre chose. L’épreuve est entièrement fondée sur un livre de cuisine contenant une centaine de recettes. Michel Roth le connaissait par cœur» ! 

Lors de l’interview de 1977, mon confrère tente une diversion :

- Au fait, qu’aimes-tu lire Michel, durant tes heures creuses ?
 
- Mais des livres de cuisine, bien sûr, des recettes et des livres sur la vie des grands maîtres !
 
Premier apprenti cuisinier de Moselle, Michel Roth se trouvait qualifié pour le concours régional à Colmar. Il s’y classe encore premier et va à Paris.
 
«En demi-finale du concours national, le menu est imposé : merlan à l’anglaise, beurre maître d’hôtel, poularde pochée, sauce suprême, riz pilaf, soufflé au chocolat» détaille Wolfgang Thielen.

Les 13 meilleurs se retrouvent en finale et parmi eux Michel Roth. Et l’on recommence : turbot farci à la mousseline de merlan, sauce champagne, carré de veau porte Maillot, crêpes soufflées au Grand Marnier.  Le verdict : Michel Roth se classe 8e apprenti de France sur 9 000.
 
Michel Roth a son CAP en poche. Son apprentissage continue. Voulant devenir maître, il doit d’abord voyager, faire le tour de France des restaurants réputés, travailler humblement… On connaît la suite.

En 1991, c'est la reconnaissance suprême avec le Bocuse d'Or et le titre de Meilleur Ouvrier de France. En 2009, directeur des cuisines du Ritz, il reçoit sa deuxième étoile au Guide Michelin.

Michel Roth est aujourd'hui le symbole d'une tradition culinaire à son plus haut niveau. Il incarne l'obstination et le perfectionnisme d'un chef qui, selon son expression, a choisi son métier "pour rendre les autres heureux".


Sylvain Post  journaliste honoraire & auteur

Pour accéder au site officiel de Michel ROTH, cliquer sur ce lien.

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La Poêle de Fer 1977


Poêle de Fer 1977 du Club de la Presse de Metz-Lorraine, sous l’œil expert de Paul Bocuse, Alain Chapel, Jean-Pierre Haeberlin, Marcellin Terver et bien d'autres.
- Sur la photo, accroupis, de gauche à droite : Eric Martin, Guy Wagner, Michel Charton, Jean-Michel Bezzina, Paul de Busson, (?), Bernard Ferreira, Pierrot Vincent, Michel Chapellier, Christian Morel.
- Debout, au deuxième rang : Jean Larpenteur, Odile Le Bihan, Vincent Manuguerra, Michel Pellet, François Vincent, Marcel Zanini, Tim Marie Rose Manuguerra, (?), Jacques Navadic, Paul Bocuse, (?), Alain Chapel, Paul Irthum, (?), Claude-Henry Laval.
- Au troisième rang :  Armand Knecht, Sylvain Post, Jean-Marie Rausch, Gaston Schwinn, Gilbert Mayer, Jean-Pierre Jager, Michel Colson.
Le trophée a été remporté par  Paul de Busson, chef photographe du "Républicain Lorrain". J'ai été "nominé" pour ma tourte lorraine à la viande marinée dans du vin blanc, réalisée de mes mains (pâte comprise), d'après une recette du regretté Jean-Claude Schneider, un ami sincère et généreux, chef étoilé du Saint-Walfrid à Sarreguemines. 

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Hubert Cleuvenot s'est éteint
 
Notamment connu pour avoir fait des Chanoinesses et des Ducs de Lorraine, restaurants situés à Remiremont et Epinal, des étoilés du Guide Michelin, Hubert Cleuvenot avait également créé une section du club gastronomique Prosper-Montagné, dont il était délégué général pour l'Est de la France et les pays étrangers frontaliers puis le vice-président national.


Ce passionné de gastronomie s'est éteint à l'âge de 95 ans, le 1er mars 2012. Hubert Cleuvenot était venu à l'Auberge Saint-Walfrid, à Sarreguemines en décembre 1977, pour y préparer une action d'envergure régionale du Club Prosper-Montagné. 

1 commentaire:

Sylvain Post a dit…

Michel Roth a annoncé en 2014 qu'il quitte le Ritz où il aura passé trente ans, entrecoupés d'une aventure de deux ans chez Lasserre. À la fin de son dernier service le 31 juillet 2012 à L'Espadon, le restaurant deux étoiles du prestigieux hôtel de la place Vendôme, Michel Roth avait promis de reprendre du service aux fourneaux lors de la réouverture prévue en 2015, à l'issue des travaux pharaoniques en cours dans le palace du milliardaire égyptien Mohamed Al-Fayed.

Mais le Mof (meilleur ouvrier de France) version 1991 et Bocuse d'or du même millésime ne jouera plus sa partition au piano du Ritz. Depuis la fermeture, il y a deux ans, de l'établissement situé dans le 1er arrondissement de Paris dont il était le directeur des cuisines, Michel Roth avait posé ses casseroles comme "conseiller culinaire et chef consultant" avec neuf membres de la brigade du Ritz au Bayview, la table de l'hôtel Président Wilson en Suisse à Genève, où il a récolté une étoile lors de l'édition 2014 du Michelin.

Parallèlement, Michel Roth avait, via sa société de prestation de services qu'il avait créée, décroché un contrat de huit mois depuis le 1er février 2013 pour la classe affaires chez Air France où il avait imaginé une carte de six plats. L'enfant de Lorraine, né à Sarreguemines, 54 bougies au compteur, était également la tête d'affiche d'événements promotionnels pour Nespresso et avait dernièrement travaillé durant six mois à concocter des menus à travers des grands classiques pour six maisons de retraite d'Ile-de-France du groupe privé Orpéa.