LA TERRE TOURNE ROND
CQFD !
Une bonne part du triomphe de l’expérimentation du plus grand Pendule de Foucault du monde, à Cattenom : 350 kilos, 160 mètres… rejaillit sur la section Lorraine-Nord des Amis des sciences de la Terre, section devenue entre temps l’association GEOLOR, de Thionville. Celle-ci avait uni ses efforts à ceux du CCSTI (Centre culturel scientifique, technique et industriel de Thionville) dont elle faisait partie, et à ceux de l’ÉNIM (École nationale d’ingénieurs de Metz), avec l’appui du «RÉPUBLICAIN LORRAIN».
Efforts couronnés de succès. Et quel succès ! Les 26-27 avril 1985, plus de 23 000 Lorrains, Luxembourgeois, Allemands (chiffres non truqués) constatèrent à Cattenom que la Terre tourne rond. C’est établi, le plus grand Pendule de Foucault du monde est mosellan. Jusque-là, le plus long (on ne dit pas «le plus haut») avec ses 101,50 mètres, était celui de la cathédrale Saint-Isaac, à Saint-Pétersbourg.
Reprenant l’expérience célèbre réalisée par le physicien Léon FOUCAULT au Panthéon, en 1852, avec un pendule de 67 mètres de long et une masse de 28 kilos pour démontrer la rotation de la Terre, la Lorraine fit plus fort. EDF prêta un décor gigantesque : une des tours de réfrigération de la centrale nucléaire de Cattenom qui culmine à 165 mètres et dont la surface au sol correspond au Parc des Princes. Le pendule avait été fixé à un ensemble de câbles transversaux au moyen d’une rotule sur coussin d’air, à frottement presque nul, dessinée par l’ÉNIM et usinée en commande numérique par la Société de Mécanique Lorraine, à Hagondange.
La masse suspendue de 350 kilos et de 45 centimètres de diamètre, en bronze aluminium avait été offerte par les «Bronzes d’industrie», d’Amnéville. Quant au fil, c’était une fibre de carbone livrée gracieusement par les Établissements Cousin Frères, de Wervicq (Nord).
Le principe ? Selon les lois de la physique, le pendule balance dans un plan d'oscillation fixe appartenant à l'univers. Or, un observateur placé devant le pendule le voit effectuer un tour complet en vingt-quatre heures. Si l'on admet que le plan d'oscillation est fixe, il faut donc considérer que c'est l'observateur - donc la Terre - qui tourne. CQFD.
L’événement fut largement relaté par la presse française et étrangère. Partie prenante dans l'opération, «LE RÉPUBLICAIN LORRAIN» démontra sa capacité de mobilisation et la confiance que lui accordent ses lecteurs. L'ÉNIM, durant les mois qui suivirent l'expérience, fut occupée au dépouillement des relevés chiffrés constitués au moyen d'un théodolite électronique Wild-Leitz, et leur traduction graphique sur une table traçante Benson. Du grain à moudre pour les élèves ingénieurs qui parvinrent à mettre en évidence l'effet des forces de Coriolis sur le pendule.
Le CCSTI gagna son pari. Il créa un énorme consensus autour de la culture scientifique et technique, parente pauvre de la culture générale. Dix-neuf membres de la section de Thionville des Amis des sciences de la Terre (GEOLOR aujourd’hui) endossèrent pour la première fois le rôle de médiateurs culturels après être passés, pour un "briefing", sur les bancs de l’École nationale d’ingénieurs de Metz. Une alliance entre néophytes et spécialistes.
Mais la plus belle réussite est celle que le public s'offrit à lui-même. Dans un bel élan, il s'arracha de l'écran télé pour s'intéresser à la science ! À moins qu'il ne se rendît à Cattenom... pour voir Cattenom.Sylvain Post journaliste honoraire & auteur
Dessin original de Joël Lorique ©
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