lundi 16 janvier 2012

MINÉRAUX DES HOUILLÈRES
  
Les Gallois transforment l'essai

    
Millérite de La Houve - Creutzwald, collection privée
 
Millérite du Pays de Galles, National Museum Wales

Selon que vous vous trouvez au Pays de Galles ou en Lorraine, les collections minéralogiques des anciennes mines de charbon n'ont pas le même statut. À Cardiff, les minéraux des houillères ont leur place au musée. Dans le bassin houiller de Moselle, ils n’intéressent personne, excepté quelques collectionneurs.
 
Parmi ces minéraux, la très recherchée millérite (sulfure naturel de nickel, NiS) longtemps introuvable, jusqu’au jour où les amateurs de géologie comprirent qu’elle était soluble dans l’eau et qu’il fallait éviter de passer les échantillons sous le robinet avant de les étudier à la binoculaire…
 
De fait, ces minéraux renvoient à la mise en place du gisement charbonnier lorrain, formé il y a quelque 300 millions d’années. Le gisement sarro-lorrain a subi les grands mouvements tectoniques, puis les effets du soulèvement des Alpes. Les plissements, fractures, failles qui en ont résulté ont  bouleversé la belle ordonnance initiale des dépôts carbonifères nés dans la quiétude tropicale.
 
L’eau, capable de dissoudre certains éléments, de désagréger des roches pour ensuite les transporter, soit chimiquement, soit mécaniquement,  a agi tel un agent corrosif fabuleux. Attaquant le relief, mais parvenant aussi à dissoudre, à dissocier puis à réassocier des éléments dans la zone superficielle et en profondeur. À la base des terrains, servant d’appui aux strates carbonifères, se situent les brèches, poudingues, conglomérats, grès, quartz en gros noyaux liés et cimentés entre eux.
   
Séparant deux bancs de charbon, les morts-terrains ont livré des roches sédimentaires. Les apports terrigènes venus des reliefs périphériques ont formé les argilites ou schistes, riches en empreintes végétales, marquant l’ancien sol de végétation. Les siltites couleur rouge-brun, constituées de fines particules détritiques consolidées, proviennent de la dégradation des roches anciennes. Des éléments plus grossiers ont donné naissance aux grès et conglomérats. Ces derniers comportent des galets de quartz laiteux liés par un ciment feldspathique. C’est un détail qui compte, car les feldspaths sont des silicates contenant des traces d’éléments métalliques qui seront libérés lors de l’altération de ces roches par hydrolyse.
 
Le soufre a joué un rôle central dans ce laboratoire naturel. Sa formation est directement liée à celle du charbon. Après immersion, la végétation a été altérée par des micro-organismes. À l’abri de l’oxygène, la matière organique a subi une réduction (l’inverse d’une oxydation, destructrice) et elle a libéré des ions sulfures sous l’action des bactéries.
 
De même, des ions sulfates des matières minérales se sont transformés en ions sulfures. La grande affinité des ions métalliques pour les ions sulfures a amené leur combinaison sous forme de sulfures métalliques. Les phénomènes de diagenèse (formation de roches par augmentation de la température et de la pression, liée à la subsidence) expliquent la présence de minéraux sulfurés. L’augmentation de température a favorisé la redissolution des sulfures, mais parallèlement les phénomènes de compaction, liés à la masse des sédiments, a provoqué une forte circulation des fluides interstitiels qui a eu pour conséquence d’expulser une partie des fluides, donc de concentrer en ions les fluides restants, favorisant la cristallisation. Des filons hydrothermaux se sont ainsi formés.
 
À la mine de La Houve, à Creutzwald, la sidérite, couleur brun clair à foncé, se présentait en cristaux presque centimétriques. En rhomboèdres, beaucoup plus rares, ces cristaux étaient parfois transparents et toujours brillants. La calcite-ankérite, carbonate naturel de calcium cristallisé, était souvent présente en gros rhomboèdres ou en petits cristaux incolores. On trouvait la pyrite, sulfure de fer dont la cristallisation appartient au système cubique, à proximité des végétaux fossiles. La chalcopyrite accompagnait la sidérite, la barytine massive et la sphalérite (sulfure naturel de zinc, ZnS) en gros cristaux bruns tirant vers le noir. Le plomb est présent sous forme de sulfure : c’est la galène (PbS), en cubes millimétriques. Mais la millérite, en gerbes de fines aiguilles, reste la star de cet univers minéral. Pour ceux qui veulent bien la voir ainsi.

 
Sylvain Post  journaliste honoraire & auteur 


 


Sphalérite de La Houve, collection privée

 
Sulfure naturel de plomb de La Houve, collection privée
 

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