L'HERBIER DE PIERRE
La genèse du charbon
vue à travers ses fossiles
Intervention au Musée du bassin houiller lorrain – 13 mai 2004
L’exposition
que nous venons de visiter m’inspire plusieurs réflexions. Ce qui m’a
frappé en premier
ce sont les planches de paléobotanique qui tapissent les murs. Elles
rappellent ce qu’il a fallu d’intelligence et de talent pour
représenter l’ère du charbon à l’état fœtal.
Les éléments qu’elles réunissent s'inscrivent
dans une présentation
scrupuleuse, systématique à sa manière,
au service d’un enseignement, d’une évangélisation laïque qui caractérisent si bien un certain esprit scientifique du début du XXe siècle.
au service d’un enseignement, d’une évangélisation laïque qui caractérisent si bien un certain esprit scientifique du début du XXe siècle.
Ces planches rappellent l’âge
d’or de la paléobotanique et
de la stratigraphie.
de la stratigraphie.
On imagine bien l’utilité des fossiles dans la phase exploratoire du gisement houiller sarro-lorrain. Car c’est à ce moment là, avant l’arrivée de techniques plus sophistiquées, (on est loin des camions blancs de la sismique…) que la paléontologie végétale a trouvé son utilité et son application.
La
disposition initiale des sédiments carbonifères a été bouleversée par
les phénomènes de compression et de
distension qui ont provoqué l’existence de plis, de fractures par
étirement, de failles de tassement, quand ils n’ont pas entraîné, dans
certains cas, une émersion suivie d’érosion de certains
secteurs, enlevant ainsi, par endroits, une partie des sédiments
houillers précédemment déposés.
Tous ces phénomènes ont rendu difficile la reconnaissance des différents faisceaux et leur raccordement, d’un
secteur à l’autre, sur les critères du seul travail des géomètres.
Avec
la paléontologie, comme la pierre de Rosette, les schistes à empreintes
de végétaux ont livré leur grille
de lecture. En effet, la flore a progressivement évolué et des
associations végétales différentes se sont succédé au cours du temps et
elles ont caractérisé certains faisceaux.
Ainsi, des fossiles ont acquis le statut de marqueurs stratigraphiques, comme, par exemple,
Neuropteris ovata, une fougère à graines décrite par
Hoffmann, fossile directeur du Westphalien D qui a permis de déterminer
avec une bonne approximation que l’on se trouve dans cette
zone. D’où l’intérêt de connaître les frondes, pennes et pinnules de Neuropteris ovata. Les planches de
paléobotanique ont précisément servi à cela.
Votre exposition a le mérite d’être globale et locale.
Globale : c’est la dimension que lui donnent les documents généraux et l’horloge géologique que nous venons de voir.
Globale : c’est la dimension que lui donnent les documents généraux et l’horloge géologique que nous venons de voir.
Locale : c’est la dimension que lui assurent les fossiles majeurs du Carbonifère en Lorraine.
Ils appartiennent à cinq embranchements :
- Les lépidophytes : lépidodendrons et sigillaires en constituent les représentants.
- Les arthrophytes : un groupe qui n’est plus représenté aujourd’hui que par les prêles et dont
les individus atteignaient la taille d’un arbre.
- Les filicophytes : les fougères à sporanges.
- Les ptéridospermophytes : longtemps confondus avec les fougères, car pourvus de frondes, mais se
reproduisant par graines.
- Les cordaïtophytes : gymnospermes primitives arborescentes.
Etranges forêts, aux végétaux bizarres, raides, géométrisés. Ils n’étaient encore que les simulacres des arbres
qui n’apparurent que bien plus tard.
La prolifération, puis la disparition des « fougères à graines »
constituent un
chapitre essentiel de l’évolution de la flore qui s’était trouvée à
l’origine de la formation du charbon. Elles ont d’abord posé une énigme
aux paléobotanistes. Leurs frondes ressemblaient à
celles des fougères, mais ne présentaient jamais de sporanges.
Ce
n'est qu'après 1900 qu'intervint une découverte décisive, certaines
graines devaient incontestablement être
rattachées à ces végétaux constituant un groupe à part, les
ptéridospermophytes, classés parmi les gymnospermes, c’est-à-dire au
sous-embranchement des plantes à graines comprenant celles dont
les ovules, puis les graines, sont portés sur des écailles plus ou
moins ouvertes, au lieu d’être enfermés dans un ovaire, puis dans un
fruit clos comme c’est le cas chez les angiospermes.
La
question n’a plus rien de spéculatif aujourd’hui. Mais on peut en tirer
un enseignement et constater que la
nature est redoutable quand elle est contrainte d’abandonner un
scénario au profit d’un autre. En tout état de cause, elle conserve ses
droits.
L’étude
de la flore fossile révèle, en effet, que certains groupes de végétaux
ont exploré toutes les
possibilités d’une certaine formule d’organisation pour retourner
ensuite à l’immobilité relative ou absolue, et quelquefois disparaître
entièrement.
C’est
le cas du règne éphémère des « fougères à graines » qui se sont
éteintes à la fin du
Paléozoïque. Le temps, tout de même, de participer à la constitution
du gisement charbonnier lorrain qui a mis cinquante millions d’années à
se mettre en place, entre -320 à -270 MA, alors que
les terres émergées du Globe étaient rassemblées pour former un
super-continent et que l’Europe se trouvait sous les tropiques.
L’évolution
de la vie rayonne en silence dans les fossiles et nous exhorte à ne pas
être indifférents à la
planète que nous transmettrons aux générations futures. C’est ce que
cherche à traduire « L’herbier de pierre » en montrant, page à page,
des végétaux aujourd’hui disparus.
Merci d’avoir inséré dans la vie du Carreau Wendel la sortie de « L’herbier de pierre ».
Pourquoi cet ouvrage ?
Mon père était mineur à Merlebach et nous habitions en face de la
centrale thermique de Grosbliederstroff. J’ai compris, étant gosse,
comment l’on produisait de l’électricité à partir du charbon – des
schlamms plus exactement – via une chaudière et un groupe
turbo-alternateur.
Mon père m’a initié à la paléontologie, martelant obstinément son espoir de me voir faire des études. C’est avec
une bourse des mines que je les ai faites.
Lorsque
la mine de Merlebach s’est arrêtée, en septembre 2003, j’ai fait le
pari de réaliser ce livre, projet
auquel je pensais depuis longtemps. Etais-je capable de relever le
défi pour le mois d’avril, marqué par la fermeture de La Houve ? Mon
intention, à cette occasion, était de rendre hommage
aux mineurs, car ils ont été les premiers, pendant un siècle et
demi, à feuilleter les pages du grand livre de l’histoire de la Terre.
Je me suis souvenu de Saint-Exupéry : «Faites que le rêve dévore votre vie, afin que la vie ne dévore votre rêve».
Saint-Ex m’a également appris que « si je n’agis pas, je suis responsable » et que « l’existence
n’a de sens que si nous nous sentons liés à autrui, puisqu’on est frère en quelque chose et non frère tout court ».
Pour
ma part, je me sens en fraternité avec les mineurs et cette publication
est ma façon d’apporter ma pierre
au bien commun, au travail de mémoire qui s’accomplit dans le bassin
houiller lorrain, pour que la culture minière ne soit jamais frappée de
nécrose. Mais qu’elle soit - au contraire - la pierre
d’angle de la culture scientifique, technique et industrielle
profitable aux « enfants du charbon », une culture propre à cette terre
d’énergie qui doit le rester.
Glück Auf !
Photo Armand Ribic HBL-Audiovisuel © |
1 commentaire:
Sincères félicitations pour ce travail, Sylvain et pour votre article, qui permet d'appréhender un sujet scientifique, donc ardu à priori, avec aisance.
Je m'incline respectueusement devant les motivations qui ont inspiré cet ouvrage. Voilà une belle façon de rendre hommage à la Terre, notre mère nourricière, ainsi qu'aux hommes qui la peuplent et l'entretiennent de leur labeur au fil du temps et des générations qui se succèdent.
La photographie où vous présentez votre livre est très belle : merci.
P.M.
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