mardi 12 février 2013

HÔPITAUX
Lettre ouverte à ceux qui
nous prennent pour des cons !



Je viens de lire dans Le Quotidien du Luxembourg, après que Le Républicain Lorrain s’en soit fait l’écho, les extraits de l’audit consacré aux hôpitaux de Moselle-Est. Pourquoi ce détour par le Grand-Duché au sujet d'un rapport qui fait scandale entre Sarreguemines, Forbach, Freyming-Merlebach et Saint-Avold ?

D’abord, pour traduire le retentissement de ce texte, dont l’auteur se moque ouvertement de l’accent de l’Est mosellan. Ensuite, parce que les locuteurs luxembourgeois, qui ont donné, depuis 1984, un statut légal de langue officielle à leur francique au même titre qu’au français et à l’allemand, sont à même de comprendre nos réactions – à nous plattophones
face aux moqueries visant notre accent. Que vient faire un tel argument dans un diagnostic relatif aux établissements de santé ?

Le Républicain Lorrain a respecté la règle de l’équilibre en invitant le président du cabinet d’audit, spécialiste des questions hospitalières, basé à Lille et à Paris, à s’exprimer. Celui-ci a vigoureusement démenti être l’auteur de ce travail : « Je ne sais pas ce qui circule. C’est peut-être une version de travail à laquelle des choses ont été ajoutées, je ne sais pas par qui. Nous ne connaissons pas l’origine de ce document. Mais ce n’est pas notre rapport qui a été remis à L’ARS Lorraine. J’ai l’impression qu’on tente de manipuler l’opinion ». Dont acte.

Qu’il s’agisse d’une version non aboutie rédigée par un auditeur patenté, négligemment laissée à la portée d’une main impie, ou d’un coup tordu d’un insaisissable mystificateur, dans l’un ou l’autre cas, l’auteur s’est glissé dans les habits d’un personnage détestable.

Pitoyable que l’auteur de ce document s’en prenne à l’accent de Moselle-Est, pour nous faire baisser la tête. Il y a un autre tableau à faire de la Moselle-Est, en pleine lutte contre son déclin : l’arrondissement de Forbach devrait perdre 17 000 habitants supplémentaires d’ici à 2030, un jeune sur quatre ne trouve pas de travail dans le secteur et plus d’un cinquième de la population vit avec moins de mille euros par mois !

Ces trente-trois pages au vitriol sont truffées de fautes de syntaxe, d'approximations grammaticales et de raccourcis discutables, observe Le Républicain Lorrain. Du genre-:-Forbach est une «enclave française de la banlieue de Saarbrücken». L’argument est d’une rare imbécilité.
 

S’il avait pris la peine d’y réfléchir, l’auteur du document se serait souvenu que Forbach fut réellement une banlieue de Sarrebruck durant un demi-siècle. En 1871, le traité franco-allemand signé à Francfort, annexa d’office les départements français de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin à la nation allemande. De ce fait, nos jeunes furent légalement mobilisés lors des différents conflits entre les deux pays. Beaucoup ont été humiliés, ont souffert ou sont morts. Leur sacrifice a été le passage nécessaire à une Europe nouvelle, unie, sans frontière, suscitant l’amitié entre les peuples et la joie de vivre ensemble dans l’harmonie et la paix.

Ceux qui entendent nous civiliser seraient bien inspirés de ne pas jouer avec l’Histoire. Ils devraient savoir que les villes de Moselle-Est travaillent aujourd’hui avec leurs voisines sarroises, au sein d’un Eurodistrict officiellement créé en mai 2010, avec comme vocation de répondre à la mobilité des populations et à faciliter la vie quotidienne des habitants.

Peu me chaut que nous soyons encore quelques milliers à faire entendre l’accent d’une langue régionale française – du groupe germanique occidental au même titre que l’allemand
plus vieille que l’allemand standard ! Peu me chaut que la population du Land soit en retard dans la pratique du français : nous avons l’avantage d’être à peu près à l’aise dans la langue de Goethe, malgré l’accent français qui ne dérange personne à Sarrebruck.

Plus intéressant serait de comprendre pourquoi des patients est-mosellans vont se faire poser des implants dentaires dans des cliniques sarroises, pourquoi  ils vont consulter des praticiens allemands dans divers domaines ?

Dans le même temps, certains cabinets médicaux, ici, sont surchargés. Troublant, également, qu’il faille se rendre dans une unité mobile provisoirement posée au fond d’un parking, pour un examen IRM à Saint-Avold. Toutes choses qui devraient figurer dans le fameux rapport d’audit. Y figurent-elles ?

Le débat sur la carte hospitalière est donc aussi une guerre des mots. Et cette lettre ouverte paraît faible et brouillonne à côté de l’arrogance de certains à l’égard d’une population désappointée par des comportements de ce type, qui fournit le terreau de la colère et de la frustration.

Tout ceci apparaîtrait comme une farce dans le style carnavalesque, farce qui prêterait à rire s’il n’y avait pas des traumatismes pour le personnel hospitalier victime de jeux politiques, mais aussi pour les patients. Ceux-ci ne désirent qu’une chose : une offre de soins de qualité dans l’Est-mosellan. Et non pas un déclin sans réel espoir de rebond.




Sylvain Post  journaliste honoraire & auteur






1 commentaire:

Sylvain Post a dit…

Dans Le Républicain Lorrain du 06/06/2013

Santé Moselle-est : les hôpitaux se restructurent

Claude d’Harcourt a présenté [le 5 juin 2013] le projet médical pour la Moselle-Est, rédigé par l’Agence régionale de santé. Le volet social fait débat.
Le directeur de l’Agence régionale santé était, hier matin, en mairie de Forbach. Claude d’Harcourt est venu exposer le projet médical pour la Moselle-Est aux syndicats. Avec l’ambition d’être « cohérent, de prévoir le retour à l’équilibre financier et d’assurer une meilleure offre de soins pour les patients. »
Le projet tourne autour de deux axes forts. « Trois établissements vont assurer une médecine de proximité », indique Claude d’Harcourt. Il s’agit d’Hospitalor Saint-Avold, Marie-Madeleine à Forbach et Robert-Pax à Sarreguemines.

Qualité de l’offre

Dans le même temps, quatre pôles de référence se spécialiseront dans un domaine. On verra ainsi émerger le pôle mère-enfant et cardio-neuro-pneumo à Forbach ; un pôle oncologie-dialyse à Hospitalor Saint-Avold et à Sarreguemines ; un pôle gériatrique à Lemire, en collaboration avec Hospitalor Saint-Avold, et à Sarreguemines ; un pôle rééducation à Freyming-Merlebach. Enfin, une communauté hospitalière de territoire verra le jour entre les hôpitaux de Sarreguemines et Forbach. La coopération s’articulera autour du pôle mère-enfant, de la cancérologie, de la permanence des soins, de la filière réanimation, des laboratoires et de la stérilisation et de l’imagerie.
L’investissement est évalué à 27 millions d’euros, avec les priorités suivantes : installation du plateau technique de rééducation à Freyming-Merlebach, relocalisation du centre lourd de dialyse à Hospitalor, installation d’une IRM, d’une unité de soins intensifs cardiologiques (Usic) et d’une unité neuro-vasculaire (Unv) à Marie-Madeleine.
Les syndicats s’inquiètent de connaître l’impact de cette restructuration sur les personnels et sur la qualité de l’offre de soins proposés à la population du Bassin houiller et de Sarreguemines.