dimanche 19 octobre 2014

RÉSONANCES CELTIQUES

La Toussaint n'est pas celte
que l'on croit 




Les "sept marches" de la forêt de Guensbach, entre Morsbach et Rosbruck (Moselle)
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[rediffusion]


À la Toussaint 2010, tandis que les familles défilaient au milieu des chrysanthèmes, nous avons pris le parti d’aller nous promener dans la forêt du Warndt, toute proche, à Morsbach. Avec une bonne raison de reprendre le sentier escarpé qui permet d’accéder au sommet d’un petit massif gréseux peuplé de hêtres et de chênes centenaires, en avancée sur la vallée de la Rosselle et dominant celle-ci de plusieurs dizaines de mètres.
 
L’endroit ne manque pas de mystère. Car nous avions repéré, quelques jours plus tôt, les vestiges de marches d’escaliers taillées en pleine nature dans le grès bigarré, des marches au nombre de sept… Comme les sept niveaux d'initiation du culte de Mithra qui s'était propagé dans tout l'Empire romain pour atteindre son apogée au IIIe siècle. Sept comme les sept dieux planétaires et solaires des Celtes, les équivalents de Saturne, Jupiter, Mars, Vénus, Mercure, de la Lune et du Soleil.
 

Sous les feuilles mortes, sur la plus haute marche, nous avons observé deux trous de poteaux, sans doute totémiques. Ce coin de nature sylvestre ne pouvait être qu'un lieu de culte païen où le passage des marches s'accompagnait de la transmission de notions métaphysiques sous forme ésotérique. D’autant plus que l’autre versant de la vallée – le mont Hérapel est connu pour avoir été un haut lieu gallo-romain. Notre curiosité fut satisfaite par les propos, sur le chemin du retour, d’un promeneur féru d’histoire locale.

Ces vestiges des Celtes, peuple multiple dont la religion druidique s'est progressivement dissoute dans les pratiques de l'Empire romain
à l'exception de l'Irlande sont difficiles à commenter en l'absence de sources de première main. Dois-je aller plus loin et rappeler que les religions de l'Antiquité européenne, les cultes polythéistes qui ont précédé le christianisme, ont dû tout d'abord s'intégrer à la religion romaine antique ? Celle-ci fut la première religion principale de l'Empire romain qui a conquis la majeure partie du continent européen, elle a donc supplanté les religions des peuples celtes. Mais le polythéisme leur a permis d'intégrer leurs dieux au panthéon romain et de continuer leur culte. 


Toutefois, à partir du IVe siècle les empereurs romains commencèrent à se convertir à la religion chrétienne, un culte monothéiste exclusif. Le christianisme devint la religion de l’État et les cultes aux dieux anciens furent de plus en plus réprimés et qualifiés de « païens ». Ils ne disparurent pas totalement pour autant : ils subsistèrent discrètement quelques siècles sous forme brute et les dirigeants chrétiens assimilèrent des parties de ces cultes en associant les dieux à des saints et en christianisant de nombreux anciens lieux de cultes païens.
 

Les vestiges celtiques ouvrent notre conscience à cette culture de l'âge du fer, soumise à la pression conjuguée des Germains et des Romains.

Les sept marches de Morsbach ont selon toute vraisemblance une dimension mystique à défaut de servir à autre chose. Car on peut parfaitement gravir la colline sans passer par elles. Elles témoigneraient d'une préoccupation spirituelle (immortalité de l'âme, référence cosmique) d'une hiérarchie sociale (rôle des druides). Une civilisation assurément moins gauloise que beaucoup d'historiens du XIXe siècle ont pu la juger : des trésors d'orfèvrerie sont parvenus jusqu'à nous ; les Celtes préféraient la viande de cheval bouillie au sanglier à la broche et dans leur alimentation, ils utilisaient l'huile de cameline produite localement à partir d'une plante de la famille des crucifères, et la cardamome, une épice venue d'Orient...

Mais avant tout, on rappellera qu'ils avaient acquis une grande maîtrise dans le travail du fer. Ils obtenaient le métal à partir d'un minerai ramassé en surface (hématite, goethite, limonite, Lebacher Eier c'est-à-dire des concrétions ovoïdes abondantes dans la région sarroise de Lebach, d'où ce nom...) traité dans des bas-fourneaux.


Assurément, le calendrier avait bien fait les choses, à la Toussaint cette année-là, car chez les Celtes, c’est le 1er novembre que l’on célébrait tous les disparus des familles avec la fête des Samain.
 
Leur fête des morts était une fête de joie. Elle correspondait aussi au Nouvel An. Le but essentiel de cette célébration était de rétablir le contact entre la communauté des morts et celle des vivants. Les tertres où vivaient les morts étaient entrouverts pour leur permettre de revenir sur terre. Banquets et festins rituels visaient à rétablir l’ordre cosmique renversé par la disparition d’un proche.

C’est la structure de l’univers que les Celtes 
ont pu invoquer depuis cet endroit de la forêt de Morsbach qui jouxte Rosbruck, Nassweiler et Emmersweiler, un culte qui situait l'homme dans la grande architecture divine du cosmos et professait l'immortalité de l'âme.

 
 
Sylvain Post  journaliste honoraire & auteur 
 

 




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3 commentaires:

Anonyme a dit…

Fiche pédagogique lue sur Maxicours.com :

Au 5e siècle avant J.-C., la Gaule est une zone riche peuplée de Celtes doués pour l’agriculture, l’artisanat et le commerce. Les Gaulois (ndla : les Celtes sont ainsi appelés par Rome) sont belliqueux et se font souvent la guerre.

L’armée romaine décide de conquérir la Gaule et l’envahit.
En 52 avant J.-C., Jules César (chef romain) bat Vercingétorix (chef des Gaulois) à Alésia.
La Gaule devient une province romaine et César devient empereur de l’Empire romain.

La Gaule se romanise en adoptant le mode de vie romain : tenue, langue (latin), villes, routes et religion romaine avec ses nombreux dieux.
Le christianisme (religion à dieu unique), qui commence à se propager dans l’Empire, est persécuté. Il est finalement accepté au 4e siècle après J.-C.

A partir du 3e siècle, l’Empire romain est envahi par des peuples barbares venus de l’Est et du Nord de l’Europe. La Gaule est divisée.
En 476, c’est la fin de l’Empire romain d’Occident.

Robert Mourer a dit…

Un bravo et un chaleureux merci à Sylvain pour ses balades historiques à travers la forêt du Warndt. Comme je suis né à Morsbach, ce véritable documentaire historique m'a plu à divers titres. Quelle maîtrise de l'histoire reculée de notre région que sylvain nous fait revivre avec son habituelle érudition d'historien et de fin connaisseur de sa petite comme de sa grande patrie. Balade de détente, mais surtout une promenade en forêt, riche et instructive en découvertes et en leçons de choses si magistralement racontées par Sylvain dont l'amour pour sa région n'est plus à démontrer.

Sylvain Post a dit…

Robert, Ton compliment est très sympathique et, à la fois, un peu radical lorsqu’il tend à m’attribuer une qualité d’historien. Je ne le suis pas et ne le revendique pas. J’ai cherché tout au long de ma vie à émanciper ma parole et j’aime aujourd’hui tisser des liens entre une certaine actualité et l’histoire, qui est notre bien commun. Il y a là une difficulté : le gisement sur lequel travaillent les historiens me paraît souvent fossilisé, et l’approche des professionnels souvent trop académique, au point que nos semblables ont parfois du mal à se l’approprier. Heureux de contribuer à votre bonheur de lire !