mercredi 15 février 2012

CARBONIFÈRE DE LORRAINE

Les premières graines

Des « fougères à graines » ont existé à côté des fougères à spores 
au Carbonifère, il y a 300 millions d’années.
Leurs fossiles ont attisé les débats dans le monde scientifique,
un sujet qui refait surface en 2004, avec
la parution de «L’Herbier de pierre», ouvrage consacré
à cette flore engloutie et dont la sortie est signalée
par le magazine «Sciences & Avenir».


Ovule de fougère (42 mm), des Houillères de Lorraine, à Merlebach (57). - Coll. S. Post
 
 

Pour plus de 5 000 mètres de sédiments, l’épaisseur cumulée des bancs de charbon est de 100 mètres en Lorraine. Après la fermeture de toutes les mines, le sous-sol mosellan contient encore 630 millions de tonnes de charbon. L’étendue des réserves de charbon témoigne de l’abondance de la végétation à partir de laquelle elles se sont formées. Et si la documentation paléontologique est loin d’être exhaustive, elle montre néanmoins que les végétaux actuels sont le résultat d’une très longue série de transformations dont on peut retracer le cheminement grâce aux fossiles.
 
Au Carbonifère en Lorraine cinq embranchements existent :
 
- Les lépidophytes : lépidodendrons et sigillaires en constituent les représentants.
- Les arthrophytes (syn. articulées) : un groupe qui n’est plus représenté aujourd’hui que par les prêles et dont les individus atteignaient la taille d’un arbre.
- Les filicophytes : les fougères.
- Les ptéridospermophytes : longtemps confondus avec les fougères, car ils sont pourvus de frondes ; ils se reproduisent cependant par graines et peuvent atteindre une hauteur de 10 mètres.
- Les cordaïtophytes : gymnospermes primitives arborescentes.
 
Ces ptéridospermophytes témoignent d’une étape capitale de l'évolution des plantes, celle qui porte sur les éléments de reproduction et de dissémination. Grâce à l’avènement de la graine, ceux-ci seront désormais protégés, pourvus de réserves et comporteront une ébauche complète de jeune plante.
 
On s'est longtemps étonné de trouver des empreintes de plantes classées comme fougères et ne présentant jamais de sporanges.  Ce n'est qu'après 1900 qu'intervint une découverte décisive : certaines graines devaient incontestablement être rattachées à ces végétaux constituant un groupe à part.
 
Dans leur ensemble, ce sont des graines relativement grandes, à symétrie radiaire et ornées de trois côtes longitudinales (Trigonocarpus) ou encore ailées, avec une carène longitudinale très marquée, souvent associées à Linopteris ou à Paripteris (Hexagonocarpus). D’autres graines généralement de petite taille, parfois garnies de deux lignes longitudinales suivant lesquelles elles se fendent lorsqu'elles sont écrasées, sont attribuées aux Sphenopteris (Nudospernum). 


Certains auteurs, n'y ayant jamais observé d'embryons, ont préféré parler d'ovules correspondant à un macrosporange entouré de téguments, mais l'examen des empreintes et des moulages pierreux sans structure ne permet pas de résoudre le problème. Le pragmatisme l’emporta. On continue ainsi de parler de «fougères à graines».


Ovule de Ptéridospermophyte, Westphalien C, région de Liévin (62).
Coll. Bruno Vallois

















Neuropteris ovata de Lorraine
















Particulièrement répandues
dans le bassin houiller lorrain,
elles représentent plus de la moitié
des espèces répertoriées.
La large extension de l’une d’elles -  Neuropteris ovata, décrite par Hoffmann - facilement identifiable, a été proposée comme espèce guide en 1963, au Ve congrès international du Carbonifère, pour la base du Westphalien D.
Elle apparaît en relative abondance, jusqu’au conglomérat de Holz (1).


Cette histoire nous enseigne que certains groupes de végétaux ont exploré toutes les possibilités d’une certaine organisation pour retourner ensuite à l’immobilité relative ou absolue, et quelquefois disparaître entièrement. C’est le cas de l’expansion soudaine de ces fougères à graines. Et de leur disparition aussi radicale. Une notoriété gagnée pour un avenir perdu.


Sylvain Post  journaliste honoraire & auteur



Coupe partielle Ouest-Est du gisement lorrain. Cliquer sur l'image pour l'agrandir. © Joël Lorique


(1) Le conglomérat de Holz se situe à la base de l'étage Stéphanien, en discordance sur les assises successives de l'étage Westphalien. Le bassin lorrain est le seul bassin houiller français d'importance où se trouvent superposés des terrains d'âge westphalien et stéphanien. En d'autres termes, le gisement s'est constitué pendant le Carbonifère supérieur et le Permien inférieur, sur une durée d'environ cinquante millions d'années, approximativement de -320 à -270 millions d'années.

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