lundi 1 septembre 2014

CHANGEMENT CLIMATIQUE

 Les papillons vont-ils en pâlir ?
Des lépidoptères de moins en moins colorés dans le futur ! C’est ce que prédit une étude menée par l’université de Marbourg (Allemagne). En attendant, 2014 semble une année faste en Moselle-Est. Petit florilège. 



Papilio machaon
 Ph. Sylvain Post


Les insectes virent au clair avec le réchauffement climatique. C’est le magazine Science & Vie (numéro d’août 2014) qui, dans une brève, le révèle à ses lecteurs. Il se réfère à une étude menée par Dirk Zeuss, de l’université de Marbourg (Allemagne). «-En corrélant les teintes de 473 espèces européennes de papillons et de libellules à leur répartition géographique, il a montré que plus la température est fraîche, plus les ailes et le corps des insectes sont foncés, ce qui leur permet de se réchauffer en stockant plus d’énergie solaire. Au contraire, sous les climats chauds, les insectes clairs sont plus abondants-». Or, en comparant des données antérieures à 1988 à celles de 2006, le chercheur a constaté que dans le nord de l’Europe, les libellules deviennent de plus en plus pâles, les espèces claires ayant gagné du terrain avec le réchauffement.

D'ici là, le ballet coloré des papillons dans les jardins de l’Est lorrain continuera de nous enchanter. Cette dégradation redoutée ne semble pas encore perceptible, à moins que l’œil d’un spécialiste ne permette de la discerner. Mieux
-:-alors qu’en France comme en Europe, les papillons des prairies ont régressé de 50 % entre 1990 et 2011, selon un rapport de l'Agence européenne de l'environnement, on a l’impression que les papillons sont plus nombreux localement en 2014 que les années précédentes, dans le cas d'un biotope favorable.  Dans la durée, cependant, leur régression est indéniable. Elle est due  principalement à la dégradation progressive des écosystèmes, de l'agriculture intensive ou encore du réchauffement climatique. En Grande-Bretagne, environ 70 % de la totalité des espèces de papillons auraient ainsi disparu en vingt ans.

«
-C'est d'autant plus regrettable que la grande diversité et les exigences écologiques variées des papillons leur confère un rôle d'indicateurs de la biodiversité et de la qualité des milieux naturels, et donc de la santé des écosystèmes-» soulignent nombre de scientifiques. La plupart des espèces étant monophages ou oligophages [se nourrissant dun nombre restreint daliments spécifiques, ndla] et étroitement inféodées à des plantes-hôtes sensibles et vulnérables, elles font office d’éminents indicateurs biologiques. En Europe, on utilise en effet les papillons pour évaluer la santé des écosystèmes, en vue de tabler sur leur durabilité. La disparition des papillons ces dernières décennies en dit donc long sur l’état de santé de l’environnement.


Contribuez à leur protection


Le GECNAL du Warndt (Groupe d'étude et de conservation de la nature en Lorraine), sur son site internet, indique que
«-beaucoup de papillons sont en régression dans notre région. On peut néanmoins facilement favoriser la présence des espèces dites "de jardin" dans notre environnement. Pour cela, il suffit de laisser pousser un massif d’orties, de planter un buddleia (arbre à papillons) ou d’autres plantes qui attirent les papillons, et bien sûr de ne pas utiliser d’insecticides !-»

«-La surface des jardins français représente quatre fois celle des réserves naturelles réunies ! Chaque jardinier peut donc contribuer à cette protection-» s’enthousiasme une responsable de l’Observatoire de la biodiversité à l’association Noé Conservation.  Et c’est très en vogue, un peu comme ces «-hôtels à insectes-» qui sont à la mode depuis quelques années !  L’idéal, c’est en effet de laisser pousser un coin de prairie sauvage, que l’on fauchera une ou deux fois par an, après floraison.

Tussilages, coucous, boutons d’or, bleuets, bourraches, bruyères, échinacées, violettes, reines des prés, centaurées, gaillets, linaires, séneçons, œillets, millepertuis… feront le bonheur des lépidoptères en étalant leur floraison  sur plusieurs mois. Au premier rang des plantes favorables à leur présence, les aromatiques, basilic, serpolet, verveine, ciboulette, thym, lavande, romarin…  «-Plus les espèces végétales seront nombreuses, plus les couleurs des ailes qui les peupleront le seront. Car chacun a ses préférences !-» déclare un jardinier militant.

Le fait qu’en quinze ans, la moitié des espèces vivant en Europe ait disparu, rend d’autant plus réjouissant le sentiment d’une présence accrue et plus variée cette année dans le val de Rosselle. Certes, une observation locale limitée à un jardin n’est guère significative. Mais elle rime avec plaisir. Selon certains entomologistes, les papillons ont une mémoire malgré leur courte durée de vie. Ils ont leur rituel  et retournent se poser au même endroit chaque soir. C’est donc l’espoir de les voir revenir chaque jour qui prévaut chez l’observateur.

Dans notre cas, les plus rares, cette année, ont été la Carte géographique - Araschnia levana (rare dans le jardin, mais on en voit un grand nombre à la lisière de la forêt du Warndt), le Machaon, le Citron et le Vulcain. Ces trois derniers affectionnent les buddleias en pleine floraison. La chenille du Machaon raffole de fenouil.

Les plus présents : la Petite Tortue ou Vanesse de l'ortie, le Myrtil et le Tristan, talonnés  par la Mégère, le Demi-deuil et le Paon du jour. Ils butinent avec prédilection les rudbeckias et la verveine de Buenos-Aires.

Cet inventaire non exhaustif (la Piéride du chou est laissée volontairement de côté, très abondante et peu photogénique) se caractérise par une certaine diversité : la proximité de la forêt du Warndt, dont la lisière se trouve à trois cents mètres, explique la variété des individus. Ces derniers, pour la plupart, affectionnent l'orée du bois où ils sont les hôtes des herbes folles, des orties et des ronces. Lorsqu’ils s’aventurent jusqu’aux jardins, leur préférence va à la sauge, aux verveines, au chardon, à la cardère sauvage et aux rudbeckias jaunes qui s’harmonisent à merveille, pour certains,  avec la teinte fauve de leurs ailes. Plus pâles, moins attractifs... Profitons de leurs couleurs "grand teint" avant que le dérèglement climatique, inéluctable, ne les fasse passer au soleil.



 S.P.


Deux sites de référence :
- Noé Conservation

- Museum national d'histoire naturelle

 


Machaon ou Grand porte-queue Papilio machaon sur un buddleia.
Rosbruck 2014. Ph. S. Post.



Paon du jour Aglais io sur une cardère sauvage.
Rosbruck 2014. Ph. S. Post.



Paon du jour Aglais io sur des asters, au mois d'octobre.
Rosbruck 2014. Ph. S. Post.



Mégère Lasiommata megera,
sur une verveine de Buenos-Aires. Un ocelle à l'apex des ailes antérieures,
alors que les ailes postérieures sont en damier marron terne et beige
avec une ligne d'ocelles clairs pupillés de noir . Rosbruck 2014. Ph. S. Post.



Demi-deuil Melanargia galathea,
sur un chardon bleu.
Rosbruck 2014. Ph. S. Post.



Tristan Aphantopus hyperantus,
sur une fleur de rudbeckia. Reconnaissable à ses ocelles
entourés de jaune sur fond brun velouté.
Rosbruck 2014. Ph. S. Post.



Myrtil Maniola jurtina (mâle).
Le mâle est marron clair avec un ocelle noir centré de blanc à l'apex de l'aile antérieure.
Rosbruck 2014. Ph. S. Post.



Amaryllis Pyronia tithonus (femelle).
 Peut être confondu avec Myrtil Maniola jurtina.
Pour identifier Amaryllis, se fier au double point blanc de son ocelle à l'apex des ailes antérieures.

Rosbruck 2014. Ph. S. Post.



Amaryllis Pyronia tithonus, en prairie et lisière de forêt.
 L'Amaryllis ressemble fort au Myrtil. La différence la plus visible est la présence
d'un ocelle supplémentaire sur le recto des ailes postérieures. 
Ocelles doublement pupillés sur les antérieures.
Rosbruck juillet 2014. Ph. S. Post.



 «Carte géographique»  Araschnia levana,
en lisière de forêt.
Rosbruck juillet 2014. Ph. S. Post.



 «Carte géographique»  Araschnia levana 
Effets optiques des rayons obliques du soleil de la mi-journée. Couleurs naturelles.
Deuxième génération de l'année (vol de mi-juin à septembre).
Rosbruck 30 août 2014. Ph. S. Post.



 Vulcain Vanessa atalanta,
Les ailes fort abîmées, posé sur
une balsamine sauvage de l'Himalaya...
plantée dans le fond du jardin !
Rosbruck juillet 2014. Ph. S. Post.




Tircis  Parargo aegeria 
Papillon des lisières, chemins forestiers, clairières...
Ocelle noir pupillé de blanc aux ailes antérieures.
Bande formée de taches centrées, chacune, par un ocelle noir sur les postérieures.
Le coloris est plus foncé dans le nord-est de la France,
plus clair généralement pour la génération estivale, dans le sud de la France.
La variation intervient au stade chrysalide en fonction de la température ambiante

Rosbruck août 2014. Ph. S. Post.



 Robert-le-Diable  Polygonia c-album,
en lisière de forêt.
Rosbruck 2014. Ph. S. Post.



Citron Gonepteryx rhamni,
sur une fleur de buddleia.
Rosbruck 2014. Ph. S. Post.



Petite tortue ou Vanesse de l'ortie  Aglais urticae,
sur une sauge.
Rosbruck 2014. Ph. S. Post.



Diminution régulière des populations de papillons de prairies en Europe.
Source : Agence européenne de l'environnement



2 commentaires:

Robert Mourer a dit…


C'est sublime ce que tu réalises Sylvain. On ne peut être qu'en admiration devant ces beautés de la faune et de la flore que tu nous fais partager en fin connaisseur. Cela nous entraîne dans une sorte de méditation sur les beautés de la nature et du monde vivant. Tous ces merveilleux frêles lépidoptère nous entraînent vers une sorte de réflexion transcendantale. On cherche souvent des paradis éphémères, alors que nous vivons dans un environnement qui devrait nous inciter à plus de modestie. L'homme détruit souvent par ignorance , ou par inconscience ce qui est plus grave, son propre jardin d'Eden. Ne devrions-nous pas tout mettre en oeuvre pour préserver cette magnificence de la Création ?

Anonyme a dit…

L'auteur du blog est titulaire de l'Abeille d'or de la fédération départementale des apiculteurs de la Moselle. La récompense était venue saluer ses articles didactiques sur le varroa, lorsque cette parasitose avait fait son apparition en Lorraine au cours de la décennie 1980.