dimanche 13 mai 2012

À HOMBOURG-HAUT

Chevaux des bois


La journée consacrée à l'utilisation de chevaux en exploitation forestière, à Hombourg-Haut, le samedi 9 juin, n'aura rien d'anodin. C'est le signe d'une évolution.
Capable de remplacer le tracteur, le cheval lourd a le sabot léger, comparé aux grosses roues des engins mécanisés qui tassent la terre, support de vie... qui doit rester vivante. En forêt, il retrouve une place qu'il avait perdue.



L'occasion m'étant offerte de souligner la qualité du magazine Sabots,
voilà qui est fait ! La photo de couverture (traîne directe en simple)
est de Jean-Léo Dugast, qui sera présent à Hombourg-Haut, le 9 juin.


 
 

Solide, intelligent, docile et non-polluant, le cheval de trait «est une solution d’avenir» selon le fondateur de la Société hippomobile de technologie et d’expérimentation du Sud-Est (Hippotese) qui, depuis 1980, promeut le développement de la traction animale moderne. Pour faire reconnaître l’énergie animale comme énergie renouvelable, ses partisans forment les chevaux, améliorent le matériel, mettent en réseau les nouveaux acquis et conseillent ceux qui veulent se convertir à cette activité, souvent isolés et en proie à un déficit de savoir-faire, la culture animale ayant été vaincue, dans ce domaine, par la motorisation dans l’après-Seconde Guerre mondiale.
 

Mais soyons réalistes : le cheval de trait, ringard par excellence dans la décennie 1970, ne remontera pas tout à fait la pente. « Allez expliquer à ceux qui ont trimé dans les champs derrière leur cheval que le tracteur n’est pas la solution idéale » rétorquent beaucoup d’agriculteurs. 

N’empêche. Comme les énergies fossiles s’amenuisent, il va falloir, à l’avenir, privilégier une production agroalimentaire de proximité. Trouvera-t-elle dans l’énergie animale une réponse aux coûts de production et de transports ? Certains en sont persuadés, rappelant qu’un cheval (achat, harnais, entretien) coûte 9 400 euros par an contre 13 700 euros pour un camion classique. Bilan carbone deux fois plus faible et bilan  sonore appréciable dans notre environnement bruyant. Une vingtaine de villes françaises l’ont compris, qui bichonnent aujourd’hui leurs chevaux territoriaux, avec un atout inattendu : les gens adorent  "leur cheval". Ainsi, on parle beaucoup du cheval urbain, parce que c’est un cheval visible, un cheval-vitrine.

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20 % de la forêt française... 
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«Mais qui se soucie de celui des forêts, des vignes, des maraîchages ?»  martèle le photojournaliste spécialiste de l’animal, Jean-Léo Dugast, dans Paris-Match. Surnommé le "poète du débardage", Jean-Léo Dugast sera présent à Hombourg-Haut et sa venue en Moselle a une signification.
 

La manifestation proposée aux professionnels et au public, dans la forêt de la Papiermühle n’a rien d’un divertissement. Portée conjointement par l’Office national des forêts, la Fédération européenne du cheval de trait pour la promotion de son utilisation (FECTU), l’université de la Sarre et la municipalité de Hombourg-Haut, elle plongera le visiteur au cœur du métier d’exploitant forestier à l’aide de chevaux. Une manifestation vedette du «Warndt  Week-end» de l’Eurodistrict SaarMoselle, une région transfrontalière où les pros, qu’ils soient français ou allemands, partagent le même état d’esprit.
 

En France,  sur un total de 34,5 millions de mètres cubes de bois débardés par an,
50 000 mètres cubes le sont au moyen du cheval, soit 0,15 % du volume total, selon une estimation de l’Union des associations des 9 races françaises de chevaux de trait, France Trait. Elle recense environ 40 débardeurs français en 2005 pour environ 12 équivalents temps plein (car beaucoup sont pluriactifs). On estime à 450 le nombre de débardeurs potentiels en France. Ce qui amène France-Trait à dire qu’il existe un véritable marché, particulièrement dans les zones difficiles d’accès pour des raisons techniques. Avec une vraie politique durable de la forêt, au moins 20 % de la surface forestière française serait « débardable » à cheval.  


En Lorraine, en tout cas, la doctrine de l’Office national des forêts, énoncée par Jean-Pierre Renaud, directeur territorial de l’ONF, est claire. Dans le manuel d’utilisation de la traction animale en débusquage forestier, qui vient tout juste de sortir, l’enjeu de la protection des milieux arrive en tête.

Ce type d’intervention, en complémentarité des engins, constitue une alternative aux solutions intégralement mécanisées. Car, lorsque ces dernières sont mises en œuvre simultanément par le même engin motorisé sur des sols sensibles et de surcroît en période de sensibilité accrue (sol frais à humide), les dégradations physiques peuvent être importantes. Et une météo changeante laisse peu de marge à la conservation de l’intégrité du sol lors de l’utilisation classique d’engins lourds.

Le compactage, l’orniérage ou le scalpage (arrachage des couches superficielles) du sol peuvent avoir des conséquences directes sur le système racinaire des végétaux, notamment la mortalité des plus petites racines dont la fonction est d’assimiler l’eau et les éléments nutritifs. Le compactage du sol fait craindre un engorgement du sol et un dysfonctionnement biologique par asphyxie.

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Double défi 
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« La Lorraine, souligne Jean-Pierre Renaud, présente plus du tiers de ses sols classés en sensibilité forte, corrélés à des enjeux de production élevés. Ce double défi peut être relevé grâce au strict respect de règles fixées aux entreprises ainsi qu’au développement de techniques innovantes (…). Couplée aux techniques modernes de la mécanisation, la traction animale permet d’apporter dans un certain nombre de situations spécifiques, des solutions économiques viables et conformes aux engagements de gestion durable… ».

Pour Jean-Pierre Masseret, président de la Région Lorraine, qui souhaite mobiliser les communes forestières et les propriétaires privés en faveur de la traction animale, cette «technique soutenable, pleine d’avenir (…), n’est ni un acte humanitaire pour sauver quelques emplois, ni un moyen folklorique de faire plaisir au grand public, il est une des techniques de débusquage de la sylviculture moderne. Il y va de la qualité des sols forestiers. Dans le contexte incertain du changement climatique, les forêts auront plus que jamais besoin de sols intacts».

L’ensemble de l’écosystème forestier profite, en principe, du respect de ce « mince épiderme vivant qu’est le sol ». L’image est de Christian Apffel, agent patrimonial ONF qui veille attentivement à la valorisation des 350 hectares de la forêt communale de Hombourg-Haut,  classée forêt de protection, écocertifiée PEFC (Program for the Endorsement of Forest Certification
), gérée par l’ONF, et qui a opté pour le cheval de trait depuis 1997. Elle fait partie des plus grandes parmi les 460 forêts communales de Moselle, elle est la deuxième du bassin houiller.

Dans un secteur de cette forêt périurbaine, on est  en présence d’un peuplement à valeur partiellement dormante, d’environ 40 ans, où l’épicéa commun est largement majoritaire, à côté du pin sylvestre, du mélèze, du hêtre et du bouleau. La mobilisation, au moyen du cheval, de chablis d’épicéas dispersés dans ce secteur qui présente des pentes à 40 %, s’apparente à celles couramment rencontrées dans le massif vosgien et dans les Vosges du Nord.

L’engagement des chevaux de trait lors des opérations de bûcheronnage et de débusquage simultané des bois est particulièrement adapté à ce type de chantier où la mécanisation est inenvisageable en raison de la configuration des lieux et de la dispersion des produits : la maniabilité du cheval facilite le passage à travers le peuplement et réduit les déplacements improductifs. 

Ailleurs dans la forêt communale de Hombourg-Haut, le cheval est parfois utilisé sur des reliefs qui ne posent aucun problème à la mécanisation, mais dans le but de ne pas tasser le sol, en gardant à l’esprit que la nappe phréatique sous-jacente a besoin de l’eau du ciel !


Si l’économie et l’écologie se synchronisent, rendant le compromis viable, la traction animale est bienvenue et présente la vertu d’une «pédagogie parlante» du développement durable. Une panacée ? «Il faut être conscient que dans bien des cas le cheval ne peut pas valablement intervenir et que d’autres solutions de respect de la forêt peuvent être mise en œuvre» observe prudemment Christian Apffel.
 
En tout cas, les efforts de communication ont fait naître une nouvelle attitude au sein du public. Son regard sur la forêt a changé. Les visites guidées proposées par l’Office de tourisme de la communauté de communes de Freyming-Merlebach, à Hombourg-Haut, attirent du monde et donnent aux participants le sentiment de voir des choses que d’autres ne voient pas. Ce qui conforte la municipalité dans sa volonté de valoriser son patrimoine naturel sur tous les plans. 
 
Comme une suite logique donnée à la coopération avec l’ONF en termes de gestion proprement dite du peuplement forestier, le temps est venu, pour la ville, de voir plus loin : des aménagements d’accueil ont été réalisés par elle à l’entrée du massif, à l’intention de sa population et des visiteurs. Ici, bucolique rime avec politique.
 
Pour les élus locaux la lisière du bois n’est pas l’horizon. Ils s’inscrivent résolument dans le Schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Val de Rosselle, qui prévoit des retombées en faveur du bassin houiller lorrain pris dans son ensemble. Ce qui les intéresse, au-delà de la valeur paysagère de leur forêt, ce sont les convergences  entre les riches heures de l’histoire de Hombourg-Haut,  pittoresque cité médiévale fortifiée, sa vie culturelle et la dimension "nature" à laquelle tous les décideurs semblent souscrire.



Sylvain Post  journaliste honoraire & auteur





PROGRAMME DU SAMEDI 9 JUIN
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Pour le public :

11 h 30 : conférence sur "Le réchauffement climatique et la forêt" (Dr René Gruber, chimiste, professeur émérite de l'Université de Lorraine), à la Papiermühle.

14 h 30 : au départ de l'Office de tourisme, visite "La forêt de la Papiermühle se dévoile" avec Alfred Berlocher, professeur de sciences de la vie et de la Terre et guide de l' O.T. Équipements et chaussures de marche adaptés à la météo. La visite du chantier de débardage au cheval est incluse dans le circuit. Participation sur inscription à l'Office de tourisme (tél. 03 87 90 53 53).

15 h à 17 h : démonstration en continu de débardage au cheval (sur le site fléché depuis le parking). Commentaires d'un professionnel. S'adresse à tout public.

15 h :  réunion transfrontalière (voir ci-après).
 

L'ouvrage de Jean-Léo Dugast...
... et les chevaux de mine





















Exposition de photos de Jean-Léo Dugast, à la Papiermühle, sur l'utilisation actuelle des chevaux de trait en forêt. Seront aussi visibles des photos sur l'utilisation des chevaux dans les mines. Un stand de librairie présentera les ouvrages "Forces de la nature - Chevaux débardeurs des forêts de France" de Jean-Léo Dugast et "Les chevaux de mine retrouvés" de Sylvain Post (présence de l'auteur, dédicace).

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Pour les  professionnels, élus, organismes divers, associations, qui seront accueillis par Mme Anne-Laure Julien, adjointe au maire, la journée commencera à 9 h 30 et sera marquée par diverses interventions :

- De 1977 à 2012, la traction animale complémentaire des machines forestières en forêt communale de Hombourg-Haut ... (M. Marcel Bergmann, adjoint au maire)

- Débardage-cheval-environnement : des professionnels de la forêt offrent des solutions techniques... (M. Biocalti, chef d'entreprise)

- Le certificat "Information nature", une action de pédagogie du développement durable (M. Bergmann)

- Présentation du "Manuel d'utilisation de la traction animale en débusquage forestier" de l'ONF Lorraine (M. Ch. Appfel, agent patrimonial Onf)

- Protéger les sols et réduire l'énergie appliquée à l'écosystème : deux motivations majeures... (G.J. Wilhelm, premier adjoint au maire de Blieskastel, directeur du service Aménagement et Production de la direction centrale de l'administration forestière de Rheinland-Pfalz

- La traction animale en Europe : situation et perspectives (Pit Schlechter, président de la Fédération européenne du cheval de trait pour la promotion de son utilisation, FECTU)

- Présentation du programme de traduction de documents de traction animale forestière, réalisé par des étudiants de master traduction de A. Wurm, institut de linguistique appliquée, traduction et interprétariat, Université de la Sarre

- Une intervention du Dr Scharnhölz, président de l'Interessengemeinschaft Zugpferde- IGZ

11 h 30 : conférence sur "Le réchauffement climatique et la forêt" (Dr R. Gruber, chimiste, professeur émérite de l'Université de Lorraine)

15 h à 17 h : réunion transfrontalière sur la traction animale forestière : informations, échanges de vues et discussion. S'adresse à toute personne ayant un intérêt pour le sujet. Lieu : restaurant de la Papiermühle.


Hombourg-Haut © photo Christian Bernd


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