dimanche 30 juin 2013

CARRIÈRE DE FREYMING-MERLEBACH


 La belle reconquise


La carrière de Freyming-Merlebach, un paysage époustouflant en grès bigarré, au sein du massif du Warndt, est devenue un lieu de promenade exceptionnel. Et bien plus : un nouveau biotope où l’homme, après avoir détruit, favorise maintenant  la recolonisation naturelle des lieux, sans la contrarier.




Vue panoramique depuis le belvédère
© Sylvain Post

 
D'énormes quantités de sable étaient nécessaires pour le remblayage hydraulique des vides créés par l’exploitation charbonnière dans les veines d'une inclinaison supérieure à 30 degrés, les «-semi-dressants-», ou d'une inclinaison supérieure à 60 degrés, les «-dressants-». Plusieurs carrières ont ainsi été ouvertes dans les importants gisements de «grès vosgien en formation». 


Photo prise en 1932, par François Kollar ©


Celle de Freyming-Merlebach, exploitée industriellement de 1920 à 2001, a fourni 124 millions de mètres cubes de sable gréseux envoyés au fond.


Après la fermeture des derniers puits en 2003 et 2004, la mise en sécurité des sites miniers et industriels s’est imposée comme une priorité pour les Charbonnages de France, établissement public industriel et commercial, dissout en décembre 2007.





 Exploitation industrielle, période 1970-2001
© Photothèque CdF/ BRGM


Dans cette cuvette aux allures de canyon du Colorado, large de 850 mètres et longue de 4 kilomètres, le réaménagement a débuté en 2001. Côté Ouest, le terrassement s’est achevé fin 2004-: au total 1,6 million de mètres cubes de matériaux ont été déplacés. Le remodelage du fond de la carrière permet de rassembler les eaux et d’assurer leur écoulement. Un chenal a été aménagé pour évacuer les eaux de ruissellement dans la Merle.

La végétalisation du sol nu stabilise les talus remodelés et répond aux problèmes d'érosion. Une large ouverture créée vers la vallée de la Merle, est venue offrir un accès à cette partie de la carrière qui jusqu'alors n'en possédait pas. Les travaux d'arasement ont généré 565 000 mètres cubes de déblais qui ont servi au remblayage du fond de la carrière et à la confection d'une butée pour limiter le recul de la falaise dans la partie Ouest.

Dans la partie Est de la carrière, les travaux engagés en 2004 ont visé à mettre en sécurité les falaises dont le dénivelé peut atteindre une centaine de mètres. Les accès en tête des falaises sont protégés par un grillage doublé d'une barrière d'épineux.

Un belvédère aménagé au bord de la falaise, offre en toute sécurité une vue plongeante sur le paysage grandiose. On domine ainsi les plans d’eau qui, avec la remontée de la nappe phréatique, atteindront une quinzaine d’hectares.



  

Le terril reprofilé






Au sud, les pentes du terril de Sainte-Fontaine – près de trente millions de mètres cubes sur 114 hectares – ont été reprofilées.
Mille mètres linéaires de clôture, 2 800 mètres de glissières bois-métal, 1 600 mètres de barrières en bois autour du bassin de décantation, 8 portails, 5 tourniquets, 23 panneaux de jalonnement, un cheminement piéton et cyclable déroulant son ruban sur 7 kilomètres. Pharaoniques, disent certains, ces travaux seraient-ils réalisables dans la conjoncture actuelle ?

Dès le mois d’octobre 2010, date d'ouverture au public, les visiteurs ont adopté cet espace de promenade, respectueux de la nature, de la faune et de la flore. Les engins motorisés y sont sévèrement proscrits.



Une évolution paradoxale


 
Quand l’exploitant, en 1920, commença à détruire cette partie du massif du Warndt, les défenseurs de la nature auraient sans doute  préféré qu’on ne touchât pas à la forêt. Ils ne sont plus là, ni pour en témoigner, ni pour constater qu’ils se seraient alors privés au siècle suivant d’un biotope particulier et rare.

La carrière a connu une évolution paradoxale : l’endroit est plus riche aujourd’hui, qu’il ne l’était avant les désordres provoqués par l’homme. En reconquérant les territoires abandonnés, la nature a transformé ce lieu en sanctuaire abritant plusieurs espèces animales rares ou remarquables. Elles trouvent là, les conditions nécessaires à leur survie et à leur reproduction.

Qualifié pour en juger, le GECNAL (Groupement d’étude et de conservation de la nature en Lorraine) souligne que de nombreuses espèces présentes sont protégées au niveau national.




Le blongios nain, ph. DR







Pour les amphibiens : le pélobate brun et le crapaud vert.
Parmi les oiseaux, quatre espèces de grand intérêt sont présentes : le hibou grand-duc, le faucon pèlerin, le blongios nain et le butor étoilé. L’apparition du grand-duc d’Europe est probablement récente et liée au retour au calme après l’arrêt de l’exploitation. Ce ne sont pas les seules espèces. Sur les plans d’eau barbotent les canards colverts, sous le regard du héron cendré, de cormorans et de foulques macroules. Dans les airs, des choucas des tours. Et, depuis peu, le grand corbeau.

Cet inventaire relève aussi la présence de la sérotine de Nilsson, une espèce de chauves-souris.
 
La forêt du Warndt est classée NATURA 2000 côté allemand, au nord de la carrière. Côté français, la directive territoriale des bassins miniers nord-lorrains stipule que soit conservé un corridor écologique entre les forêts sarroise et mosellane.
L’homme a donné un coup de pouce,  la nature fait le reste, pour ne pas dire l’essentiel.

  
Sylvain Post  journaliste honoraire & auteur 
documentation: Charbonnages de France/Brgm 



Article publié le 11.4.2012 - mis à jour le 29.9.2012

 

Entrée Sainte-Fontaine. En toile de fond, la falaise du Warndt




Coup d’œil vers l'église de Hochwald, depuis la falaise du Warndt




La falaise du Warndt, août 2012




















Cliquer sur les deux images panoramiques pour les agrandir



Brumaire 2012 













Décembre 2012 


Une grande aigrette photographiée en octobre 2013






Couple d'ouettes d'Egypte (espèce invasive),  foulques macroules et couple de cygnes, en octobre 2013




4 commentaires:

Désiré a dit…

A noter aussi la présence de la mante religieuse. ;)

Sylvain Post a dit…

DOIT-ON DIRE LE OU LA MERLE ?

L’article « La belle reconquise » mentionne la Merle. Or, depuis une cinquantaine d’années, il est d’usage courant d’utiliser, à tort, l’article masculin pour désigner le ruisseau ou la vallée du nom de « Merle ».
L’occasion nous est ainsi donner de nous interroger sur cet étrange permutation grammaticale. Nous le faisons en citant un extrait d'une note de Gérard Wack, président des Amis de l’Histoire du Pays de la Merle :
"Tous les autochtones dialectophones de la région ont toujours appelé leur ruisseau « Die Merl ». Après 1945, la francisation de gré ou de force était à l’ordre du jour. Les francophones, souvent des employés des HBL, ont fait le rapport avec le merle, l’oiseau. Quelques instituteurs, plus royalistes que le roi, suivirent le mouvement. Il en résulta que dans certaines écoles de Merlebach et de Freyming on enseigna « le Merle » et dans d’autres, « la Merle ».
En France comme en Allemagne, les cours d’eau, à quelques exceptions rarissimes sont tous du genre féminin. Toutes les rivières de la région le sont également : « die Rossel, la Rosselle», ou « die Nied, la Nied», « die Saar, la Sarre », « die Mosel, la Moselle », etc.

Des documents de toutes époques attestent l’emploi ancestral du féminin :
- les anciens plans et cadastres les mentions de « vallée de la Merle ».
- le Livre de la Justice de Merlebach, fait mention dans un acte de 1618 du lieu-dit « au-delà de la Merle ».
- nous pouvons aussi citer le journal édité à Merlebach de 1929 à 1939, le Courrier de la Merle.
- pour Merlebach, et ceci jusqu’à la fusion des communes en 1971, il existait une rue de la Merle à la cité Sainte-Barbe, aujourd’hui dénommée rue Gambetta.

Plusieurs études ont été consacrées au nom « Merle ». La première est celle de Max Besler, professeur au lycée de Forbach, publiée dans deux ouvrages en 1888 et 1891 sous le titre « Die Ortsnamem des lothringischen Kreises Forbach ». Ces livres, en langue allemande, mentionnent « Die Merle » et non « Der Merle ». D’après ces ouvrages, le nom de la Merle serait probablement issu du vieux haut allemand. En effet, nous avons dénombré des mots comme « Muor, Mör, Morast, Sumpf » qui signifient marécages, auxquels le suffixe « ila » fut ajouté pour former les termes de Mörila, Mörile, Mörle Merle. Ainsi, Merle signifierait « ruisseau se déversant dans une étendue marécageuse ».
Mais le Prof. Dr. Haubrichs de l’université de Sarrebruck, s’il affirme que ce nom est déjà attesté depuis le XIIe siècle sous la forme « Merle », le fait remonter à l’époque pré-germanique, le rattachant à une origine indoeuropéenne.

La Merle prend source dans la forêt du Zang, près de Saint-Avold, de la convergence de trois rus s’écoulant dans des prairies marécageuses.

La Merle subsiste, pour l’essentiel grâce aux eaux pluviales et celles de la plate-forme chimique de Carling - Saint-Avold, les anciennes sources étant taries, conséquence de l’exploitation minière.
Mais avec la fin de l’activité des Houillères dans notre région, la vallée de la Merle, va peut-être revenir à son aspect originel grâce à de « petites bêtes » appelées crapauds et plus scientifiquement pélobates verts ou bruns (crapaud qui peut s’enfoncer dans des sols meubles) ou d’autres animaux un peu plus imposants appelés « singularis porcus » ou sanglier.


La Merle a donné son nom à Merlebach, dont la création se situe vers 1590.
Dans un acte, daté de 1593, il est fait mention pour la première fois du nom de Merlebach : «zum ersten Mal das neue dorf an der Mörle welches, Mörlenbach genannt sollte ». De même la charte de fondation de Freyming datée du 20 septembre 1602 fait référence, dans son préambule, au nouveau village voisin de Freyming, Merlebach : « das neüw dorf Merelburgk »

Sylvain Post a dit…

La carrière de Freyming-Merlebach a fourni 124 millions de mètres cubes ( 248 Mt pour une densité de 2 ) de sable gréseux envoyés au fond, soit l’équivalent de 11 à 12 années de la production totale des carrières de Moselle, Meurthe-et-Moselle, Meuse et Vosges réunies ( 21 Mt/an ).

Sylvain Post a dit…

310.000 EUROS SUPPLÉMENTAIRES POUR LE TERRIL

Une somme de 310.000 euros vient d'être consacrée au terril qui avait été reprofilé il y a quelques années, traité au plan paysager et stabilisé pour le long terme avec mise en place de banquettes drainantes intermédiaires. La réfection de la descente d'eau s'est avérée nécessaire dès 2013, et il a fallu traiter des "loupes de glissement". Les visiteurs ont pu constater que le talus est apparu crevassé par endroits.