Garry sauvé de l'oubli
Quand une enquête sur le patrimoine minier prend des allures de révélation : tout le monde semble avoir oublié l’origine de l’étonnante fresque de l’ancien siège des charbonnages de Faulquemont. Devenu propriétaire des murs, le centre de formation des travaux publics sait désormais qu’il veille sur une signature de renom, celle de Charley Garry. L’artiste est l’auteur de décors classés de la brasserie Lipp, à Paris. Mais il est surtout connu comme peintre du french can-can, dans le sillage de Toulouse-Lautrec.
Que penser de l’inquiétante banalisation de la fresque minière en cinq volets
qui décore le hall développé sur trois niveaux du centre de formation des
travaux publics Raymond-Bard, sur l’ancien carreau du siège de Faulquemont des
Houillères du Bassin de Lorraine ? Personne, au moment de la cession du
bâtiment des HBL, n’a fait grand cas de ces peintures murales. À tel point
qu’aujourd’hui, un haussement d’épaules général répond à la question de savoir
qui les a créées et à quelle époque.
Charley Garry (1891-1973) a été élève voire enseignant à l’Ecole des Beaux-arts de Paris, d’après le registre matricule des peintres-sculpteurs de l’école, période1894-1925. Il a été le disciple de Gabriel Ferrier, de François Flameng et de Jules Adler. Flameng a réalisé, en 1897, le premier billet de 1 000 francs imprimé en quatre couleurs par la Banque de France, mais jamais émis.
Garry est connu pour avoir décoré de scènes africaines les plafonds de la brasserie Lipp, classé par les Monuments historiques, dans le sixième arrondissement. Verlaine, Proust, Gide, Saint-Exupéry, Hemingway, Camus et Malraux ont fréquenté l'endroit. À partir de cet exemple, on est tenté de croire que Garry a mis ses pas dans ceux de Gabriel Ferrier, lequel a participé au riche décor de la salle des fêtes de l’hôtel de ville de Paris. Notre homme est également référencé au musée des Arts premiers, quai Branly qui conserve une de ses œuvres : une scène de marché à Brazzaville.
Mais il a surtout présenté dans les salons parisiens « de provocants tableaux de femmes qui ont pour titre : Brise, Jazz, Tango, La Combinaison noire, Volupté, Intimité, Eve » fait remarquer Lynne Thornton dans son livre “ Les Africanistes, peintres voyageurs : 1860-1960 ” (ARC Edition). Garry l’Africain, lauréat du prix de l’Afrique équatoriale française en 1921, a subi la critique pour ses toiles qualifiées de libertines.
Nuits parisiennes
Patience et opiniâtreté ont payé. Dès lors que nous avons pu authentifier
la signature de Charley Garry, l’auteur des cinq tableaux, notre enquête les a
fait repasser de l’ombre à la lumière. Le centre Raymond-Bard s’est montré
sensible à cette démarche, une attitude déterminante car «-charbonnier est
maître chez lui-». En clair, comme propriétaire des lieux il pouvait
souverainement abonder dans ce sens ou laisser choir.
Faire cohabiter ces œuvres avec l’activité d’un établissement ouvert au
public est indéniablement un défi. Outre l’administration du centre de
formation, le bâtiment comprend un restaurant, cinquante huit chambres destinées
aux stagiaires résidents et un centre de médecine du travail. Tout le contraire
d’un désert ouvert au vandalisme. On peut donc se réjouir de la protection
passive que le centre Raymond-Bard, créé par les quatre fédérations
départementales du BTP de Lorraine, assure à l’œuvre de Charley Garry. Si
Romuald Karmann, directeur du centre Raymond-Bard, se consacre entièrement à la
formation des stagiaires à la conduite de tous types d’engins de travaux
publics sur les 55 hectares adjacents, il s’oblige aussi à gérer les lieux “en
bon père de famille” et à garder un œil sur les fresques. Conservateur malgré
lui.
Charley Garry (1891-1973) a été élève voire enseignant à l’Ecole des Beaux-arts de Paris, d’après le registre matricule des peintres-sculpteurs de l’école, période1894-1925. Il a été le disciple de Gabriel Ferrier, de François Flameng et de Jules Adler. Flameng a réalisé, en 1897, le premier billet de 1 000 francs imprimé en quatre couleurs par la Banque de France, mais jamais émis.
Garry est connu pour avoir décoré de scènes africaines les plafonds de la brasserie Lipp, classé par les Monuments historiques, dans le sixième arrondissement. Verlaine, Proust, Gide, Saint-Exupéry, Hemingway, Camus et Malraux ont fréquenté l'endroit. À partir de cet exemple, on est tenté de croire que Garry a mis ses pas dans ceux de Gabriel Ferrier, lequel a participé au riche décor de la salle des fêtes de l’hôtel de ville de Paris. Notre homme est également référencé au musée des Arts premiers, quai Branly qui conserve une de ses œuvres : une scène de marché à Brazzaville.
Mais il a surtout présenté dans les salons parisiens « de provocants tableaux de femmes qui ont pour titre : Brise, Jazz, Tango, La Combinaison noire, Volupté, Intimité, Eve » fait remarquer Lynne Thornton dans son livre “ Les Africanistes, peintres voyageurs : 1860-1960 ” (ARC Edition). Garry l’Africain, lauréat du prix de l’Afrique équatoriale française en 1921, a subi la critique pour ses toiles qualifiées de libertines.
Nuits parisiennes
Le marché de l’art ne s’embarrasse pas de ces jugements pudibonds. Sous la
signature de Garry, les tableaux de french can-can, danse considérée comme
licencieuse à l’époque, ont fait le bonheur de collectionneurs friands de
clichés du Paris by night, de frou-frou et de belles gambettes. En témoigne
aujourd’hui la présence de dizaines de ses toiles dans les ventes aux enchères
organisées par les plus grandes maisons internationales.
En mai 2012, une scène de french can-can a été mise à prix à 600 euros sur la Côte d’Azur, alors que trois œuvres inspirées du music-hall étaient proposées au même prix unitaire à Düsseldorf, deux mois plus tôt. Un expert parisien vient d’estimer à 800 euros un tableau évoquant un voyage en train en Bretagne. Cependant, ce sont les tableaux dédiés à la vie nocturne parisienne qui l’emportent, avec des prix de départ de 1 000 euros pour des ballerines, 2 000 mille pour un couple dansant. Outre-Atlantique, dans le Massachusetts, une composition de 1927, réunissant une chanteuse de cabaret aux seins nus et un joueur de jazz, figure au catalogue en 2006, avec une cote de 8 000 dollars…
L’occasion s’est présentée à Charley (son nom d’artiste vient de la contraction de Charles-Achille Garry… “Charles A.” prononcé à l’américaine) de réaliser une commande pour les charbonnages de Faulquemont. Inhabituelle pour lui. Car il lui faudra mettre en scène l’abattage du charbon au pic, l’ouvrier au marteau-piqueur, la cribleuse. Sur ce dernier thème Garry est à l’aise. Il n’a pas son pareil pour peindre les femmes dans le style glamour, d’où l’étonnante mise en beauté de l’ouvrière, aux lèvres carmin, occupée à trier le charbon provenant de la remonte.
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Lorsque le pinceau se mesure à l’image du père protecteur attendri
par ses deux bambins, l’intention ne fait aucun doute sur la portée idéologique
du message : les houillères nourrissent, protègent, soignent, éduquent… Plus
époustouflante, l’allégorie de la “tête” de la compagnie minière – le head
management diraient les anglo-saxons – qui fait correspondre le job des
dirigeants à un intense remue-méninge. Elle cristallise une gamme de sentiments
relatifs à la philosophie d’une entreprise hiérarchisée de la tête aux pieds.
Le sommet de la série des cinq compositions de Charley Garry est atteint au
plafond, avec l’héroïsation des “gueules noires ” qui fait penser au
stakhanovisme des années trente. L’ouvrier des ténèbres dans une posture
olympique, muscles bandés, le regard droit comme un pic, arrache au massif le
charbon dont la prospérité nationale a besoin. Comme le mineur Alekseï Stakhanov
qui, dans la nuit du 30 au 31 août 1935, aurait extrait 102 tonnes de charbon en
six heures, soit environ quatorze fois le quota demandé à chaque ouvrier... Le
peintre libère sa puissance créative. Un hymne au travail en sol mineur !
Chasse aux indices
Reste une énigme : à quelle époque la fresque a-t-elle été réalisée ? Les premières installations de Faulquemont datent de 1933-34, années au cours desquelles une lampe électrique portative proche du modèle choisi par le peintre était en service. L’artiste a donc pu intervenir dès l’achèvement du bâtiment. Cette supposition rend sceptique un interlocuteur, fondu de culture minière : « Les contours de la lampe ne me permettent pas d’identifier cette dernière. Le marteau piqueur est un modèle tardif voire contemporain ». Il lui semble que « dans les années 1930-1940, ces outils avaient un tout autre design… ». S’il dit vrai, les œuvres seraient postérieures à 1940.
Que le mineur soit coiffé d’une “barrette” n’ébranle pas cette hypothèse car le casque en cuir bouilli n’a été remplacé par le casque en résine ou en plastique qu’à l’aube de la décennie 1950. En revanche, la barrette a évolué pour être dotée d’une lampe. Celle du tableau en est démunie, un détail qui commencerait à faire reculer le curseur…
En première conclusion, on a donc une fourchette de quinze ans dans laquelle situer les origines de la fresque : 1935-1950.
Revenons à la belle cribleuse. « Elle semble italienne : sicilienne ou sarde, issue de la première vague d’immigration qui remonte à 1947, après l’ère mussolinienne ou à celle de 1956…». Débarrassé du moindre doute, l’auteur de cette phrase expédie le curseur dans l’après-guerre. Pardon de le contrarier : la mine des années 30 en Lorraine, contenait déjà toute l’Europe, excepté l’Anglais. Pierre Hamp écrit en 1932, que 800 enfants fréquentent l’école de Merlebach « dont un tiers Polonais, un tiers Français-Lorrains et un tiers de dix autres nations : Tchèques, Slovaques, Yougoslaves, Allemands, Italiens, Roumains, Belges, Autrichiens, Russes, Suisses ». [ “La France travaille – Les Mineurs”, Pierre Hamp, Ed. des Horizons de France, 1932. Paris ]. Alors, de deux choses l’une : ou Charley Garry a été conquis dans les années trente par le charme italien rencontré dans le bassin houiller lorrain, ou sa fréquentation des nanas du music-hall parisien a eu son effet vingt ans plus tard…
Déroutant, aussi, le tableau de la « tête pensante » présente moins de parenté avec l’Art déco qu’avec le style d’un Mœbius, l’auteur de bande-dessinée de science-fiction, né en 1938, décédé en 2012. L’intemporalité de l’œuvre brouille les repères et elle aurait tendance à la rajeunir. Au contraire, la date s’éloigne une fois de plus avec l’ouvrier vêtu seulement d’un pagne, abattant le charbon au pic à deux pointes. Ne rappelle-t-il pas les images de Tarzan, personnage de fiction créé par Edgar Rice Burroughs en 1912, publiées pour la première fois en France en 1926 ? C’est plus convaincant. Et à tout prendre, la balance pencherait pour les années de l’enfant sauvage !
Le marteau-piqueur va-t-il parler ? D’emploi généralisé dans les mines à partir de 1925, il a été introduit plus tardivement dans certaines exploitations. Le modèle retenu par Garry à Faulquemont n’est pas équipé du système de pulvérisation d’eau, seul l’air comprimé est raccordé, comme c’est souvent le cas pour un outil soulevé à bout de bras. Tel que l’artiste présente le piqueur, celui-ci s’expose à l’inhalation des particules minérales et à une maladie pulmonaire irréversible : la silicose. Celle-ci a frappé les mineurs de charbon à partir des années 1925 lors de la généralisation des machines d'extraction (marteaux-piqueurs puis haveuses), sans que soit, dans un premier temps, recherchée la neutralisation des poussières.
Passe encore que cette vision soit immortalisée en 1935, mais la même présentation en 1950 serait à l’opposé des préoccupations de l’entreprise engagée dans des campagnes de prévention, cinq ans après la définition des critères de la prise en charge de la silicose comme maladie professionnelle, par un texte officiel de 1945. On pourrait en déduire que la vue d’artiste renvoie à une époque antérieure. Et pour le coup, le curseur reviendrait à sa position initiale, dans l’entre-deux-guerres.
Sur un registre purement matériel, toutefois, un de nos interlocuteurs fonde son jugement sur l’aspect plutôt moderne du marteau-piqueur, avec sa grande “aiguille”. Pas classique, d’après-lui, dans les mines de charbon. Il défend l’hypothèse des années 1950.
La littérature minière ne permet pas de départager ces options disparates : « Au début des années cinquante l’abattage au marteau-piqueur très répandu dans la profession (sauf en Lorraine) n’était sérieusement concurrencé dans le Centre-Midi que par le tir que l’on tentera parfois de conjuguer au havage (Carmaux). La Provence, à Meyreuil, encore vouée au pic à main, songeait à essayer un scraper-rabot récemment apparu en Allemagne et en Hollande (…) La grande innovation des années 50 en matière d’abattage en longue taille fut la naissance du rabotage en charbon de dureté modérée » [“Radiographie minière : 50 ans d’histoire des Charbonnages de France”, Robert Cœuillet, Ed. L’Harmattan, 1997].
De ce point de vue, l’argument en faveur de l’après-guerre, certes relativisé par ce «sauf en Lorraine», reste défendable. Il est rejoint par l’avis d’un féru d’histoire de l’art : « En regardant ces tableaux, je pense aux peintres réalistes russes des années 1950-1960 ». Garry, sans trahir son style, aurait donc pu travailler dans cette veine.
Mais cette approche pose question : à la veille de l’apogée de Faulquemont l’état-major des houillères nationalisées aurait-il pu s’offrir l’extravagance d’une œuvre aussi passéiste ? Ces icônes correspondraient, dans ce cas, à une erreur d’appréciation manifeste, en rupture avec le profil du plus jeune et du plus technologique des bassins houillers de l’hexagone. Une vision hors de la réalité.
Rocambolesque
L’entreprise HBL paraît trop cartésienne pour avoir pu valider un
contresens au cœur du XXe siècle, alors que Faulquemont, « le plus silicogène
des sièges » de Lorraine, se battait pour faire progresser des « résultats
techniques constamment au-dessous des autres » avec un charbon n’ayant « d’usage
que thermique » [R. Cœuillet]. En effet, le rendement fond ne franchit les 2 000
kg qu’en 1960, dépassera 4 000 kg de 1964 à 1969, et établira son record à 4 656
kg en 1965. Mais certainement pas au pic et au marteau-piqueur !
Lorsqu’en 1960, le ministre de l’Industrie présente le plan d’assainissement qui conduira au repli des HBL sur son noyau dur, c’est-à-dire sur un nombre réduit de sièges, les résultats financiers découlant d’une situation aussi difficile justifieront «le choix de Faulquemont comme unité à fermer». Ceux qui le savaient étaient convaincus que seule la recherche obstinée de l’amélioration de la productivité pouvait donner l’espoir de durer encore un peu. Dans le contexte de la récession charbonnière, le recours à un artiste prestigieux pour le seul plaisir d’embellir les locaux de la direction, avec des images tournées vers le passé, aurait été perçu comme une décision rocambolesque à un moment où s’imposait un contrôle drastique des coûts.
Le bon sens conduirait ainsi à préférer définitivement la période de l’entre-deux-guerres à celle des « trente glorieuses » pour la datation relative de l’œuvre de Garry.
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Mettons fin au suspense. Pour lever l’incertitude, alors qu’aucune des
personnes interrogées n’était en capacité d’avancer une date de création pour la
fresque, certains faisant même le grand écart entre l’avènement des charbonnages
de Faulquemont et les prémices de la crise de 1961, rendez-vous est pris au
Centre des archives industrielles et techniques de la Moselle, à
Saint-Avold/Jeanne d’Arc. Sous l’égide du conseil général, c’est désormais le
haut-lieu de la mémoire non seulement du charbon, mais aussi de la sidérurgie et
de l’industrie du verre et du cristal. Mais force est de constater que le fonds de la
compagnie minière de Faulquemont-Folschviller (antérieure à la nationalisation
de 1946) est lacunaire. Il concerne uniquement le personnel.
Sébastien Mellard, responsable du centre, déniche cependant une pépite, sous la forme d’une fragile reliure intitulée : “Les Charbonnages de Faulquemont / Léon-Joseph Madeline”. Il s’agit d’un manifeste rédigé par trois étudiants de l’Ecole d’Architecture de Nancy (Castronovo, Dupont et Gaillot), avec l’appui de l’agence d’urbanisme de la Moselle, dans le cadre d’une campagne de sauvegarde du carreau de Faulquemont présenté comme un joyau architectural réunissant dans un enclos tous les bâtiments et les installations nécessaires à l’exploitation de la mine.
« Il s’agit à vrai dire d’un cas tout à fait exceptionnel, celui d’un
charbonnage très important créé de toutes pièces sur un gisement nouveau (…) On
a donc fait des installations grandioses et, ce qui est mieux encore, on les a
voulues esthétiques ». C’est l’opinion d’un collectif de 70 architectes – parmi
lesquels Jean Nouvel – sociologues, historiens, géographes, professeurs et
enseignants-chercheurs, de Paris, Metz, Nancy, Strasbourg, Grenoble, Marseille,
Bourges, Francfort, New York, mobilisés pour sauver l’œuvre de Madeline.
Le dynamitage répondra à la démarche des signataires. Les chevalements, la
centrale électrique, dont le caractère architectural est souligné dans le
manifeste, sont rayés de la carte lors de l’opération table-rase engagée par
l’établissement public, avec l’approbation plus ou moins avouée des élus locaux
! Ainsi se trouve anéanti le caractère global d’une composition tout à fait
classique qui reprenait par certains points le mode d’organisation des salines
d’Arc-et-Senans de Ledoux. La maison du directeur, ici, n’était pas au centre de
l’ensemble, mais placée de façon à “contrôler” les différents voies du
carreau.
Rendez-vous chez Lipp
Qui est Léon-Joseph Madeline ? Un architecte parisien, sorti de l’école des
Beaux-arts en 1921, auteur d’importants immeubles de rapport au cœur de la
Capitale et des plans d’une cité-jardin. C’est peut-être la première fois qu’un
grand charbonnage confie à un architecte l’entière direction des constructions
nécessaires au fonctionnement d’un siège, en lui proposant de créer ex nihilo le
site de Faulquemont. Les travaux préparatoires et de congélation des terrains
pour le fonçage de deux puits ayant commencé en 1930, le fonçage est lancé en
1933 et 1934. La construction du site est engagée concomitamment. Les deux
remarquables chevalements de cinquante-six mètres de haut sont édifiés en 1936,
dans une architecture représentative de l’entre-deux-guerres, en cohérence avec
les autres ouvrages.
Avec sa longue façade rompue dans son axe par une haute tour, le majestueux bâtiment de direction « symétrique et d’une grande dignité, est le symbole de l’institution que sont les charbonnages » [Castronovo, Dupont et Gaillot]. Ainsi l’a voulu Madeline, né en 1891, la même année que Charley Garry. Les deux hommes se sont rencontrés. Car l’architecte industriel a dirigé, à Paris, l'aménagement de plusieurs brasseries, notamment en 1925, chez Lipp. Ces salles de style Art déco sont célèbres et on se souvient que chez Lipp, Garry a signé le décor des plafonds.
Le cahier des charges du siège de Faulquemont semble avoir intégré la fresque de Garry dès les premiers coups de crayon de l’architecte. Madeline publie des articles sur Faulquemont dans les revues spécialisées « L’Architecture aujourd’hui » et « La Construction moderne » en 1935 et 1936. Voilà pour les dates qui nous causaient du tracas.
Garry meurt en 1973, un an avant que les molettes de Faulquemont ne s’arrêtent définitivement de tourner. Et Madeline quatre ans après lui. Sa réalisation à Faulquemont valut à Madeline d’être appelé à participer à la refonte du bassin houiller du Nord - Pas-de-Calais après la nationalisation de 1946, de devenir l’architecte en chef de la reconstruction de la Moselle et de participer à divers concours, y compris à l’étranger. Son itinéraire le conduisit à travailler pour EDF et pour la Compagnie générale des eaux. Cette dernière lui confia l’exécution l’une des plus grandes usines d’eau potable, à Choisy-le-Roi, qui fut pour l’époque la plus moderne.
Le temps de l’effacement ayant sonné, pouvons-nous être d’accord avec Le Corbusier pour considérer que «-l’architecture c’est, avec des matériaux bruts, établir des rapports émouvants-» ?
Sans émotion, en tout cas, le siège de Faulquemont a été en grande partie
rasé. Subsiste, notamment, sa “tour de contrôle” pour donner le cap à une
reconversion souhaitable et souhaitée. Dans ses murs, les décors que Charley
Garry a laissés derrière lui scintillent dans le passé minier pour lui survivre.
Sa fresque mérite plus qu’un regard furtif. Il est urgent de prendre conscience
de sa nécessaire protection. Car elle risque, petit à petit, de disparaître
sous les outrages du temps. La voilà au moins sauvée de l’oubli.
Sylvain Post journaliste honoraire & auteur
avec Serge Kottmann passeur de mémoire
Remerciements à Sébastien Mellard, pour son accueil
au centre des Archives industrielles et techniques de la Moselle,
à Romuald Karmann, directeur du Centre Raymond-Bard
et à Alain Meier pour ses indications.
au centre des Archives industrielles et techniques de la Moselle,
à Romuald Karmann, directeur du Centre Raymond-Bard
et à Alain Meier pour ses indications.
Publié le 14 septembre 2012
Mis à jour le 1er octobre 2012
Mis à jour le 1er octobre 2012
Garry et le french can-can. Cliquez sur l’icône de la vidéo
6 commentaires:
Alors on voit ce qu'on fait pour la sauver?
Merci pour ces recherches. On apprend des choses. C'est super !
Quel patrimoine, en effet. Magnifique !
Merci de nous faire partager ces merveilles.
Bravo pour le remarquable texte de ton blog sur les fresques de Faulquemont. Je rejoins l'avis des "entre deux guerres". Effectivement, à la Libération, ni Michel Duhameaux, directeur général des HBL, ni André Viaud, directeur du groupe de Faulquemont n'étaient de joyeux drilles prêts à méceniser ces très belles fresques d'un artiste mi-stakhanoviste, mi-Moulin-Rouge !
Michel Duhameaux (1899-1980) a été :
1947-1957 : DG des Houillères de Lorraine
1948-1949 : DG des Charbonnages de France
1957-1970 : Président du CERCHAR
1957-1961 : DG du BRGM
1961-1971 : Vice-président du BRGM
Source : Annales des Mines
Bravo pour votre travail, qui participera sans aucun doute à la sauvegarde d'un pan malheureusement trop méconnu du patrimoine industriel !
Sébastien MELLARD
CAITM
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