Indignez-vous !
L’utilisation du titre de l’opuscule devenu phénomène d’édition sous la plume magistrale de Stéphane Hessel ne me vaudra pas, je l’espère, le courroux de ses ayants droit ! Après tout – ce qui n’enlève rien à la qualité de l’ouvrage – la construction pronominale de ce verbe du premier groupe, comme les noms communs, appartient à tous. Mais, à notre époque, on n’est plus sûr de rien. Certains déposent des noms d’usage courant et nous confisqueraient la liberté de nous en servir, au prétexte qu’un tour de passe-passe juridique en aurait fait une marque. Indignez-vous-!
Je m’indigne de devoir suivre, au fil inconstant du temps, le mauvais feuilleton du clash des Enfants du Charbon. Dépité de voir le rideau tomber sur mon espoir de voir ce spectacle, né sur le carreau de la dernière mine française, talonner un jour le spectacle du Puy du Fou… Et pourquoi pas les « Fous du puits » ! Une possible marque que je devrais déposer dare-dare auprès de l’INPI (Institut de la Propriété) pour le simple plaisir de bomber le torse, avec l’orgueil de dire : « C’est moi qui l’ai déclarée en premier». Indignez-vous-!
La passe d’armes qui anéantit l’énorme joie mise dans nos cœurs par cet hymne aux mineurs est lamentable. Sept années d’une merveilleuse aventure qui partent confusément en quenouille...
Lorsque le prix littéraire 2008 de l’Université du cheval, à Saumur, m’a été remis en lever de rideau du gala d’automne du prestigieux Cadre Noir, pour mon livre Les chevaux de mine retrouvés, j’ai eu le reflexe d’offrir au Colonel Jean-Michel Faure, écuyer en chef, et à Patrice Franchet d’Espèrey, d’illustre descendance, un DVD du son-et-lumière Les Enfants du Charbon. Sous les applaudissements.
Pourquoi l’ai-je fait ? D’abord, parce nous les Lorrains, n’allons jamais rendre visite à quelqu’un les mains vides. Ensuite, parce que, à l’extérieur, nous parlons trop timidement de notre région. Enfin, parce que je voulais partager avec l’auditoire du Cadre Noir de Saumur, l’émotion que dégage le spectacle des Enfants du Charbon, créé pour la fermeture du dernier puits, mais tourné vers l’avenir avec ces jeunes et ces anciens, disant d’une seule voix que la Moselle est une terre d’énergie qui veut le rester. Et les voix des Enfants du Charbon seraient réduites au silence, à présent, pour une mésentente ? Indignez-vous !
Ce que l’opinion publique a surtout retenu ces jours-ci, c’est la somme de 300 000 euros qui serait arrivée sur le tapis à propos d’une éventuelle cession des droits d’exploitation du spectacle, détenus par sa créatrice. C’est beaucoup d’argent par les temps qui courent, mais de quoi parle-t-on ?
La question n’est pas de savoir si « l’artiste en veut trop » ou si la somme est raisonnable. Encore que l’on puisse objectivement se poser la question de la valeur financière du livret des Enfants du Charbon, que les épisodes des dernières semaines risquent d'avoir déprécié en lui bouchant l’horizon.
Tout acquéreur, dans le cas d’une cession, cherche préalablement à se projeter dans l'avenir en essayant de déterminer le potentiel futur de ce qu’il envisage d’acquérir. Cela revient souvent à fixer le prix de cession par un multiple de la situation nette comptable, généralement compris entre deux et deux et demi... Comment fait-on quand la caisse est vide ? Dans le cas des Enfants du Charbon, une discussion de coin de table ne saurait résoudre la question. Elle appellerait un audit, l’élaboration d’un modèle économique et d’un plan de développement.
À ce jour, un déficit de 40 000 euros et l’incertitude concernant les subventions à venir rendent nulle et non avenue toute discussion sur une cession possible des droits, entre la créatrice et l’association des Enfants du Charbon. On ne négocie pas les poches vides. Que vient donc faire cet argument dans la controverse ?
Je m’indigne encore. Pour une histoire de comportement, cette fois. Car, dit-on, une clause de confidentialité – un engagement classique dès lors qu’il s’agit d’une intention ou d’une option possible – s'imposait après une discussion à huis clos consacrée à la pérennisation et à un éventuel reformatage de l’événement. Au lieu de cela, quelqu’un est allé s’épancher devant la première oreille venue, avec étalage en public. C’est, au mieux de la vantardise, au pire une torpille envoyée sous la ligne de flottaison pour contrarier le cours des choses.
Certains pourraient s’indigner en rétorquant « De quoi je me mêle ! ». Quand la Région Lorraine verse à l’association environ 500 000 euros de subventions en sept ans, on a le droit de savoir.
« Je ne saurais pas préfigurer la position du conseil régional, qui a toujours soutenu le spectacle-», a déclaré ces jours-ci, à titre personnel, Michel Obiegala, vice-président du conseil régional de Lorraine. « On ne casse pas impunément, a-t-il dit, un lien aussi fort que celui qui s’est créé entre le spectacle et son public au motif qu’il serait difficile de gérer une association en proie au déficit ». Un déficit qui s’est installé sans bousculer personne ? Indignez-vous !
Pour finir, le spectacle n’aura pas lieu en 2012. Des animations tout de même, en attendant une initiative plus conséquente pour 2013, sous un autre nom, avec un autre livret, une mise en scène différente, un autre réalisateur. Avec les mêmes figurants, qui paraissent divisés ? L’association envisagerait de poursuivre sous la même dénomination pour d’évidentes raisons de notoriété.
Mais la créatrice et femme-orchestre des Enfants du Charbon, artiste à l’autorité professionnelle reconnue, s’y oppose formellement, dès lors que cet intitulé appartient à son œuvre sur laquelle son droit d’auteur est inaliénable. Ce que chacun est censé savoir depuis le début.
On verra comment chacun ira au bout de sa logique. Mais en attendant, quel gâchis !
Sylvain Post journaliste honoraire & auteur
Publié le 30 mars 2012
___________
REBONDS Dans l'hebdomadaire
"La Semaine" du 28 juillet 2014
Les Enfants du charbon, un filon durable
Par Arnaud STOERKLER • Journaliste de La Semaine
«-Le spectacle en plein air des «-Enfants du charbon-», prévu fin août sur l'ancien carreau de la mine Wendel à Petite-Rosselle, conservera sa trame à succès de l'an dernier. Fragilisé financièrement il y a deux ans, l'association vient de décrocher le soutien durable des principales collectivités de son territoire.
Là où il y a de l'énergie, il y a un filon. A force de retourner chaque année au charbon depuis 2005, entourée de bénévoles et d'anciens mineurs prêts à se jouer de leur ancien métier, l'association des «-Enfants du charbon-» a élevé son spectacle sur l'épopée minière en rendez-vous incontournable de la région (voir La Semaine N°433, 435). Modernisé l'an dernier par le metteur en scène est-mosellan Laurent-Guillaume Dehlinger, l'évènement a su ressusciter après le départ de sa créatrice Sylvie Dervaux et l'absence de spectacle en 2012.
Aujourd'hui, il approfondit son empreinte sur le territoire : le schéma de cohérence territoriale (Scot) Val de Rosselle, cet ensemble composé des quatre intercommunalités du Warndt, de Freyming-Merlebach, du Pays naborien et de l'Agglo Forbach Porte de France, a donné son feu vert pour inscrire dans le marbre une aide annuelle de 54 000 euros dédiée au spectacle, sur une durée de trois ans.
« Je suis fier que ces quatre territoires se soient entendus à travers cette convention, qui assure la pérennité du spectacle », a affirmé le président du Scot Paul Fellinger, initiateur de l'idée, lors d'une conférence de presse le 18 juillet. Derrière lui, les principaux partenaires du spectacle comme le conseil régional de Lorraine et l'assemblée départementale ont eux aussi confirmé leurs subventions sur le long terme. Un tel engagement était nécessaire : «-Jusqu'à maintenant, nous ne pouvions commencer à vendre notre spectacle qu'à partir d'avril ou de mai, pour août-», constate Julien Bernardi, l'un des responsables de l'association. «-Nous ne pouvions pas toucher certains tours-opérateurs, dont le programme est déjà bouclé en fin d'année précédente. Grâce à ce partenariat sur la durée, nous pourrons désormais les contacter dans quelques mois pour leur proposer notre spectacle de 2015.-»
Y a d'la joie
L'avenir des Enfants du charbon s'éclaircit, l'association poursuit sur sa nouvelle lancée débutée l'an dernier : «-Le spectacle 2013 se terminait par des mots de transition, ‘‘à la croisée des chemins’’. C'est par eux que nous commençons le nouveau, cette année-», livre le metteur en scène. Avare dans le dévoilement des nouveautés par besoin de «-garder certaines choses secrètes-», Laurent-Guillaume Dehlinger explique son choix de ne pas proposer un spectacle totalement remanié : «-Celui de l'année dernière était tout neuf, nous l'avons montré cinq fois au public. Je suis content de pouvoir le présenter cinq nouvelles fois cet été, parce qu'un spectacle, ça se rode-», affirme-t-il.
«-Dans l'ensemble, certaines vis doivent être resserrées pour l'améliorer. Nous avons par exemple remarqué l'an passé que les comédiens placés dans les gradins avec des micros, lors de la scène d'ouverture, étaient retransmis de manière décalée par les haut-parleurs. Ce tableau sera supprimé. Par ailleurs, certaines personnes ont regretté le fait de ne pas voir assez la mine et le travail des mineurs, au cours du spectacle. Un nouveau tableau sera donc ajouté, qui permettra à plusieurs anciens mineurs qui jouent dans le spectacle d'évoquer leur quotidien à l'époque.-»
Là où il y a de l'énergie, il y a un filon. A force de retourner chaque année au charbon depuis 2005, entourée de bénévoles et d'anciens mineurs prêts à se jouer de leur ancien métier, l'association des «-Enfants du charbon-» a élevé son spectacle sur l'épopée minière en rendez-vous incontournable de la région (voir La Semaine N°433, 435). Modernisé l'an dernier par le metteur en scène est-mosellan Laurent-Guillaume Dehlinger, l'évènement a su ressusciter après le départ de sa créatrice Sylvie Dervaux et l'absence de spectacle en 2012.
Aujourd'hui, il approfondit son empreinte sur le territoire : le schéma de cohérence territoriale (Scot) Val de Rosselle, cet ensemble composé des quatre intercommunalités du Warndt, de Freyming-Merlebach, du Pays naborien et de l'Agglo Forbach Porte de France, a donné son feu vert pour inscrire dans le marbre une aide annuelle de 54 000 euros dédiée au spectacle, sur une durée de trois ans.
« Je suis fier que ces quatre territoires se soient entendus à travers cette convention, qui assure la pérennité du spectacle », a affirmé le président du Scot Paul Fellinger, initiateur de l'idée, lors d'une conférence de presse le 18 juillet. Derrière lui, les principaux partenaires du spectacle comme le conseil régional de Lorraine et l'assemblée départementale ont eux aussi confirmé leurs subventions sur le long terme. Un tel engagement était nécessaire : «-Jusqu'à maintenant, nous ne pouvions commencer à vendre notre spectacle qu'à partir d'avril ou de mai, pour août-», constate Julien Bernardi, l'un des responsables de l'association. «-Nous ne pouvions pas toucher certains tours-opérateurs, dont le programme est déjà bouclé en fin d'année précédente. Grâce à ce partenariat sur la durée, nous pourrons désormais les contacter dans quelques mois pour leur proposer notre spectacle de 2015.-»
Y a d'la joie
L'avenir des Enfants du charbon s'éclaircit, l'association poursuit sur sa nouvelle lancée débutée l'an dernier : «-Le spectacle 2013 se terminait par des mots de transition, ‘‘à la croisée des chemins’’. C'est par eux que nous commençons le nouveau, cette année-», livre le metteur en scène. Avare dans le dévoilement des nouveautés par besoin de «-garder certaines choses secrètes-», Laurent-Guillaume Dehlinger explique son choix de ne pas proposer un spectacle totalement remanié : «-Celui de l'année dernière était tout neuf, nous l'avons montré cinq fois au public. Je suis content de pouvoir le présenter cinq nouvelles fois cet été, parce qu'un spectacle, ça se rode-», affirme-t-il.
«-Dans l'ensemble, certaines vis doivent être resserrées pour l'améliorer. Nous avons par exemple remarqué l'an passé que les comédiens placés dans les gradins avec des micros, lors de la scène d'ouverture, étaient retransmis de manière décalée par les haut-parleurs. Ce tableau sera supprimé. Par ailleurs, certaines personnes ont regretté le fait de ne pas voir assez la mine et le travail des mineurs, au cours du spectacle. Un nouveau tableau sera donc ajouté, qui permettra à plusieurs anciens mineurs qui jouent dans le spectacle d'évoquer leur quotidien à l'époque.-»
Si d'autres scènes devraient être «-chamboulées-», comme celle du «-coup de grisou-», l'essentiel reste intact-: le metteur en scène compte garder l'esprit résolument moderne et joyeux du spectacle de 2013, plébiscité par le public : «-Nous voulions montrer que notre région ne se résume pas au vote FN et à la condition ouvrière, qu'elle était aussi gaie et dynamique. Les gens savent faire la fête, ici, d'où ce spectacle qui ne se veut pas uniquement le reflet de la mine, mais aussi celui de cette ambiance, cette joie qui nous fait tenir-», constate Laurent-Guillaume Dehlinger.
Théâtre vivant
La mine comme traumatisme, le spectacle comme résurrection-: «-Voilà dix ans que les dernières mines des Houillères ont fermé dans notre bassin. Lille, autre capitale du charbon dans le Nord, est aujourd'hui l'une des plus grandes villes de France. La fermeture des mines remonte à vingt ans, là-bas, il nous en reste dix autres pour réussir, je l'espère, la même chose chez nous demain.-» Selon Laurent Kalinowski, député-maire de Forbach, une première pierre de ce renouveau a été érigée par les «-Enfants du charbon-»-: «-Vous avez su associer la mémoire aux nouvelles technologies-», a-t-il félicité Laurent-Guillaume Dehlinger, en référence aux projections numériques en trois dimensions réalisées l'an dernier à Petite-Rosselle pour décorer les scènes du spectacle-».
La mine comme traumatisme, le spectacle comme résurrection-: «-Voilà dix ans que les dernières mines des Houillères ont fermé dans notre bassin. Lille, autre capitale du charbon dans le Nord, est aujourd'hui l'une des plus grandes villes de France. La fermeture des mines remonte à vingt ans, là-bas, il nous en reste dix autres pour réussir, je l'espère, la même chose chez nous demain.-» Selon Laurent Kalinowski, député-maire de Forbach, une première pierre de ce renouveau a été érigée par les «-Enfants du charbon-»-: «-Vous avez su associer la mémoire aux nouvelles technologies-», a-t-il félicité Laurent-Guillaume Dehlinger, en référence aux projections numériques en trois dimensions réalisées l'an dernier à Petite-Rosselle pour décorer les scènes du spectacle-».