La belle reconquise
La carrière de Freyming-Merlebach, un paysage époustouflant en grès bigarré, au sein du massif du Warndt, est devenue un lieu de promenade exceptionnel. Et bien plus : un nouveau biotope où l’homme, après avoir détruit, favorise maintenant la recolonisation naturelle des lieux, sans la contrarier.
D'énormes quantités de sable étaient nécessaires pour le remblayage hydraulique des vides créés par l’exploitation charbonnière dans les veines d'une inclinaison supérieure à 30 degrés, les «-semi-dressants-», ou d'une inclinaison supérieure à 60 degrés, les «-dressants-». Plusieurs carrières ont ainsi été ouvertes dans les importants gisements de «grès vosgien en formation».
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Photo prise en 1932, par François Kollar © |
Celle de Freyming-Merlebach, exploitée industriellement de 1920 à 2001, a fourni 124 millions de mètres cubes de sable gréseux envoyés au fond.
Après la fermeture des derniers puits en 2003 et 2004, la mise en sécurité des sites miniers et industriels s’est imposée comme une priorité pour les Charbonnages de France, établissement public industriel et commercial, dissout en décembre 2007.
Exploitation industrielle, période 1970-2001
© Photothèque CdF/ BRGM
Dans cette cuvette aux allures de canyon du Colorado, large de 850 mètres et longue de 4 kilomètres, le réaménagement a débuté en 2001. Côté Ouest, le terrassement s’est achevé fin 2004-: au total 1,6 million de mètres cubes de matériaux ont été déplacés. Le remodelage du fond de la carrière permet de rassembler les eaux et d’assurer leur écoulement. Un chenal a été aménagé pour évacuer les eaux de ruissellement dans la Merle.
La végétalisation du sol nu stabilise les talus remodelés et répond aux problèmes d'érosion. Une large ouverture créée vers la vallée de la Merle, est venue offrir un accès à cette partie de la carrière qui jusqu'alors n'en possédait pas. Les travaux d'arasement ont généré 565 000 mètres cubes de déblais qui ont servi au remblayage du fond de la carrière et à la confection d'une butée pour limiter le recul de la falaise dans la partie Ouest.
Dans la partie Est de la carrière, les travaux engagés en 2004 ont visé à mettre en sécurité les falaises dont le dénivelé peut atteindre une centaine de mètres. Les accès en tête des falaises sont protégés par un grillage doublé d'une barrière d'épineux.
Un belvédère aménagé au bord de la falaise, offre en toute sécurité une vue plongeante sur le paysage grandiose. On domine ainsi les plans d’eau qui, avec la remontée de la nappe phréatique, atteindront une quinzaine d’hectares.
Le terril reprofilé |
Au sud, les pentes du terril de Sainte-Fontaine – près de trente millions de mètres cubes sur 114 hectares – ont été reprofilées.
Mille mètres linéaires de clôture, 2 800 mètres de glissières bois-métal, 1 600 mètres de barrières en bois autour du bassin de décantation, 8 portails, 5 tourniquets, 23 panneaux de jalonnement, un cheminement piéton et cyclable déroulant son ruban sur 7 kilomètres. Pharaoniques, disent certains, ces travaux seraient-ils réalisables dans la conjoncture actuelle ?
Dès le mois d’octobre 2010, date d'ouverture au public, les visiteurs ont adopté cet espace de promenade, respectueux de la nature, de la faune et de la flore. Les engins motorisés y sont sévèrement proscrits.
Une évolution paradoxale
Quand l’exploitant, en 1920, commença à détruire cette partie du massif du Warndt, les défenseurs de la nature auraient sans doute préféré qu’on ne touchât pas à la forêt. Ils ne sont plus là, ni pour en témoigner, ni pour constater qu’ils se seraient alors privés au siècle suivant d’un biotope particulier et rare.
La carrière a connu une évolution paradoxale : l’endroit est plus riche aujourd’hui, qu’il ne l’était avant les désordres provoqués par l’homme. En reconquérant les territoires abandonnés, la nature a transformé ce lieu en sanctuaire abritant plusieurs espèces animales rares ou remarquables. Elles trouvent là, les conditions nécessaires à leur survie et à leur reproduction.
Qualifié pour en juger, le GECNAL (Groupement d’étude et de conservation de la nature en Lorraine) souligne que de nombreuses espèces présentes sont protégées au niveau national.
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Le blongios nain, ph. DR |
Parmi les oiseaux, quatre espèces de grand intérêt sont présentes : le hibou grand-duc, le faucon pèlerin, le blongios nain et le butor étoilé. L’apparition du grand-duc d’Europe est probablement récente et liée au retour au calme après l’arrêt de l’exploitation. Ce ne sont pas les seules espèces. Sur les plans d’eau barbotent les canards colverts, sous le regard du héron cendré, de cormorans et de foulques macroules. Dans les airs, des choucas des tours. Et, depuis peu, le grand corbeau.
Cet inventaire relève aussi la présence de la sérotine de Nilsson, une espèce de chauves-souris.
Cet inventaire relève aussi la présence de la sérotine de Nilsson, une espèce de chauves-souris.
La forêt du Warndt est classée NATURA 2000 côté allemand, au nord de la carrière. Côté français, la directive territoriale des bassins miniers nord-lorrains stipule que soit conservé un corridor écologique entre les forêts sarroise et mosellane.
L’homme a donné un coup de pouce, la nature fait le reste, pour ne pas dire l’essentiel.
Sylvain Post journaliste honoraire & auteur
documentation: Charbonnages de France/Brgm
Article publié le 11.4.2012 - mis à jour le 29.9.2012
Article publié le 11.4.2012 - mis à jour le 29.9.2012
Entrée Sainte-Fontaine. En toile de fond, la falaise du Warndt
Coup d’œil vers l'église de Hochwald, depuis la falaise du Warndt
La falaise du Warndt, août 2012